Loc-Dieu, abbaye fortfiée (Vidéo)

Loc-Dieu est un exemple unique d’abbaye cistercienne du XIIe siècle, fortifiée au XVe siècle.

Transformée en parc et château, elle a conservé ses parties monastiques et son domaine d’origine. Près de Martiel, dans une région de dolmens où sévissaient de nombreux brigands, treize moines venus de l’abbaye de Dalon fondèrent, en 1123, la première abbaye cistercienne du Rouergue. Le lieu choisi est géologiquement remarquable. Une poche d’argile lui vaut de l’eau et des grands bois, refuge idéal des détrousseurs de la voie toute proche allant de Rodez à Cahors. Lieu donc bien mal famé qui méritait le surnom de « locus diaboli », le lieu du diable. Les démêlés des moines et des brigands sont devenus légendaires. Avec la bénédiction de l’évêque de Rodez, l’endroit deviendra quelques années après locus Dei, le lieu de Dieu, Loc-Dieu.

En 1134, le monastère de Loc-Dieu est érigé en abbaye. La construction de l’église abbatiale commencée en 1159 en style roman, fut achevée en 1189 en style gothique. Alors que les bas-côtés, voutés de plein cintre, sont encore purement romans, le chœur au chevet à pans coupés est lui nettement gothique. L’église a traversé sans dommage les siècles et se présente aujourd’hui dans sa pureté originelle, fidèle à la tradition cistercienne, où simplicité et dépouillement n’excluent pas la beauté. Ici pas de sculptures, de vitraux colorés, de peintures susceptibles de détourner l’attention due à la prière. La pierre ocre apparaît dans toute sa splendeur travaillée par la main de l’homme, rehaussée par la lumière du soleil car l’église est à toutes heures baignée par les rayons du soleil qui explosent sur la couleur de la pierre. Pureté des formes, austérité du décor pour la méditation.

Pendant la guerre de Cent Ans, le cloître et la salle du chapitre de Loc-Dieu sont incendiés, mais heureusement l’immense abbatiale reste intacte. Avec difficultés et grâce à la générosité de deux familles, les Volonzac et les Firminhac, le monastère reconstruit les bâtiments monastiques en les fortifiant massivement. Le cloître gothique est reconstruit sur trois côtés vers 1470, il remplace le vieux cloître roman. Le style y est dépouillé et massif conformément à l’esprit cistercien. Au centre se trouve le puits, tandis que sur le côté est s’ouvre la salle capitulaire, reconstruite à la même époque. Elle présente trois travées largement ouvertes sur le cloître. Le cloître est surmonté d’une galerie couverte dont les ouvertures en arcs surbaissés annoncent déjà la Renaissance. Les bâtiments monastiques sont fortifiés au XVe siècle, ce qui donne à l’abbaye l’apparence d’un château fort.

De façon exceptionnelle, au moment des ventes de biens nationaux à la Révolution, le domaine de Loc-Dieu n’a pas été séparé des bâtiments de l’abbaye qui, en conséquence, est restée au cœur de l’ensemble. Maltraitée par l’utilisation agricole qui en est faite, l’abbaye est rachetée en 1812 par la famille Cibiel de Villefranche-de-Rouergue dont les descendants l’occupent encore aujourd’hui. À partir de 1840, le bâtiment des moines (aile est) au-dessus de la salle capitulaire est consolidée, et les étages sont peu à peu transformés en habitation familiale desservie par un vestibule monumental, tandis que l’aile des convers (aile ouest) et l’aile sud sont restaurés vers 1880.

L’abbatiale fut reconsacrée en 1897. Sauvée de la ruine, Loc-Dieu offre encore aujourd’hui l’étonnant spectacle d’une forteresse, fermée d’un côté par l’église et abritant en son cœur une salle de chapitre et un cloître. En 1940, fuyant l’avance allemande à travers la débâcle, les plus belles peintures du Louvre s’arrêtèrent à Loc-Dieu le temps d’un été. C’est ainsi que la Joconde, provisoirement rassurée, put conserver son énigmatique sourire. Mais les conditions de conservation des chefs-d’œuvre à Loc-Dieu ne sont pas idéales. L’humidité menace leur intégrité. Décision est donc prise de cacher ailleurs ces trésors. C’est ainsi que les œuvres sont en partie dirigées vers Montauban et son musée Ingres.

Le parc, qui entoure l’abbaye, mélange, comme au temps des moines, agriculture, sylviculture et pisciculture. Sa particularité géologique donne un micro-climat développant une flore exubérante sans comparaison avec la nature plus aride des environs : la taille et la variété des arbres et arbustes y sont très supérieures. Avant l’arrivée des moines, les grands bois, seuls de leur catégorie, servaient de refuge aux brigands. L’étang est animé en tous temps par des espèces variées de canards, oies, cygnes ou hérons.

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