Dictionnaire Gustave Flaubert

Véritable monstre des lettres, «homme-plume» comme il se définissait lui-même, Gustave Flaubert était un amoureux fébrile de la langue française, obsédé par le mot juste, au point de la triturer voire de la torturer pour lui faire rendre gorge, dans ce qu’il appelait son «gueuloir», véritable épreuve sonore du texte en cours. Ne disait-il pas: «J’aime par-dessus tout la phrase nerveuse, substantielle, claire, au muscle saillant, à la peau bistrée: j’aime les phrases mâles et non les phrases femelles, comme celles de Lamartine.»?

Un épais dictionnaire collectif consacré à Flaubert, sous la direction d’Eric Le Calvez, à travers de nombreuses entrées, nous rappelle cet attachement si particulier du père de Madame Bovary à la langue de Voltaire. Roland Barthes, à son propos, parlait de travail «démesuré, vertigineux, névrotique.» Ce familier des lexiques et des dictionnaires, dont il était le «fauve concubin», comme disait méchamment Léon Bloy, pratiquait volontiers le néologisme, et n’hésitait pas à exhumer tel ou tel mot oublié, ainsi du tourlourou, qui désigne un jeune fantassin. Et n’oublions pas que c’est à lui que l’on doit le terme «médiocratie», bien commode, et bien à la mode aujourd’hui.

Parmi les articles classiques et attendus de ce dictionnaire, on s’attardera donc sur quelques entrées originales. Ainsi ce pignouf, terme qu’il affectionnait tout particulièrement, qui vient de l’ancien français pignier, signifiant geindre et qui désigne un homme grossier et rustre. Ecoutons-le: «C’est un produit du XIXe siècle que Pignouf ; nous arrivons même à Pignouflard, qui est son fils, et à Pignouflarde, qui est sa bru.» On lui doit également le dérivée Pignouferie.

Dictionnaire Gustave Flaubert, ouvrage collectif sous la direction d’Eric Le Calvez, Classiques Garnier, 1260 p., 68 €.

 

Source

Related Articles