Après le roman de Charrette et le roman de Saint-Louis, vous vous attaquez à la figure de Jeanne d’Arc. En quoi votre travail diffère-t-il de celui d’un historien traditionnel?
Philippe DE VILLIERS: Je n’en ai ni la formation, ni la patience. Je suis plutôt un homme d’action qui écrit des scenarii, ou plus exactement des cinéscénies pour l’œuvre du Puy du Fou. Mon livre est en quelque sorte une cinéscénie littéraire. J’écris à la première personne comme s’il s’agissait des mémoires imaginaires de Jeanne d’Arc. Je veux mettre à la portée des nouvelles générations qui voient la France s’abîmer, des figures emblématiques qui ont illuminé notre histoire, pour que les jeunes Français aient le goût de les connaître et d’aller les découvrir. Avec «Le roman de Jeanne d’Arc», j’ai voulu rendre à la plus grande héroïne de notre Histoire son humanité, retrouver la vérité de ses émois, de ses éblouissements, de ses désarrois devant l’innommable. Depuis mon enfance, comme beaucoup de Français, je regarde Jehanne d’Arc tout là-haut, accrochée aux tentures sacrées, lointaine, séraphique comme une sainte d’enluminure. Avec ce livre, j’ai voulu dépasser le mythe, aller au cœur du mystère, déposer la tapisserie pour la regarder de plus près, essayer de saisir et de traduire ses fragilités, ses doutes et ses vraisemblances.
Comment se glisse-t-on dans la peau de Jeanne d’Arc?
Après avoir consulté tous les historiens spécialistes vivants, après avoir passé avec eux un long moment d’interrogation et de dialogue, j’ai cheminé sur les routes empruntées par Jeanne d’Arc, je me suis attardé sur les lieux qu’elle a fréquentés. J’ai pris mon temps, j’ai écouté. J’ai vibré. Je suis allé respirer l’air qu’elle a respiré. J’ai entendu les chants d’oiseaux, sans doute les mêmes. J’ai longé les rivières pour retrouver l’écho de ses chevauchées. Il reste encore beaucoup de traces de Jeanne d’Arc qui affleurent dans la France d’aujourd’hui. Des témoignages de pierre d’abord: la maison de Domrémy, la chapelle de Notre-Dame de Bermont, la forteresse de Chinon, la place du Vieux Marché, la cathédrale de Reims. Mais aussi des reliefs et des paysages: la Meuse, qui n’a rien changé à ses paresses et à ses boucles et lacets, les soleils levants, les brumes et humeurs vespérales, les parterres de fleurs sauvages qu’elle aimait tant … Plus je me suis approché de la Jeanne d’Arc intime en respectant sa délicatesse de jeune fille passionnée de la vie, plus j’ai collecté les climats et sonorités qui ont donné leurs couleurs au récit. Je suis aussi allé rencontrer les historiens locaux dans les modestes lieux oubliés par l’histoire. A chaque fois, j’ai trouvé des hommes et des femmes imprégnés de tradition orale. En discutant avec ces érudits, j’avais l’impression que Jeanne était à la fois leur amie d’enfance et leur voisine du bourg et qu’elle n’était partie que la semaine d’avant. Ils en parlaient au présent de narration. J’ai ainsi recueilli auprès d’eux des trésors, des pépites, des sacs d’anecdotes, de petites vérités escamotées et souvent méprisées par la grande Histoire. Et puis, quand on se met dans la peau de Jeanne d’Arc, il faut, par une sorte d’ascèse de plume et un acte d’humilité de chaque instant, veiller à s’absenter de soi-même, à ne plus exister avec ses propres mots, à mettre ses pensées à la porte du récit. J’ai essayé de n’écrire que sous sa dictée, de ne rien ajouter de moi-même. Jeanne irradie ceux qu’elle approche et je me suis laissé envahir. J’écrivais et c’est Jeanne qui tenait la plume.
Le pouvoir n’a plus le pouvoir et quand il n’y a plus la notion du Bien Commun, comme du temps de Jeanne d’Arc, parce qu’on a liquidé le pouvoir, il ne reste que les caïmans et les crocodiles qui se mangent entre eux dans la piscine sanguinolente.
Jeanne d’Arc vous a-t-elle appris des choses sur vous-même?
Ce n’est pas une autobiographie! (sourire) Mais j’ai pu tirer une leçon de son histoire: la vérité ne triomphe jamais, mais ses ennemis finissent toujours par mourir. Jehanne d’Arc connaît les ardeurs ignorées de la petite pastoure à son ouvrage que personne ne remarque en ses humilités, puis l’extraordinaire popularité du chef de guerre qui triomphe, et finalement la déréliction christique du cachot. Quand elle est trainée dans une charrette cahotante qui la conduit au bûcher de la place du Marché, elle croise sur son passage le regard furtif des femmes qui, dans leurs jupes, enveloppent leurs enfants et leurs glissent à l’oreille: «Regarde la sorcière!». Jeanne, en elle-même, se dit «quelle honte!». Elle comprend qu’il ne s’agit pas seulement de la faire mourir, mais de la déshonorer aux yeux du monde et dans le cœur des plus petits pour que jamais elle ne renaisse. Il ne s’agit pas seulement de tuer son corps, il faut détruire son âme. Ajouter à la mort la flétrissure. Ainsi a-t-elle connu et enduré l’insupportable. Un jour, Soljenitsyne m’a ainsi parlé d’elle: Jeanne d’Arc incarne le courage dans l’épreuve des totalitarismes que nous vivons et qui sont fondés sur le mensonge: «la vérité conduit au martyr et au déshonneur». Il faut accepter d’être déshonoré lorsqu’on hurle la vérité.
Vous parlez comme quelqu’un qui a pris beaucoup de coups. A-t-on cherché à vous briser?
J’ai pris des coups et des coups bas. Car aujourd’hui, on ne peut plus faire de politique en France sans obtenir l’agrément de la «Société de Connivence». Et si cet agrément vous est refusé, alors tous les coups sont permis, tous les moyens sont bons, aucun ne vous est épargné. Il y a un va-et-vient consciencieux dans le processus d’élimination des adversaires, entre la justice médiatique et la justice tout court, enchaînées aux mêmes fantasmes et aux mêmes complicités. Le «Mur des Cons» est là pour le rappeler. On donne aux juges une mission de salut public. De tous temps, les hommes qui ont eu du pouvoir se sont attaqués les uns les autres. Mais ce qui est nouveau aujourd’hui, dans la société médiatique, ce sont les armes qu’on utilise. Elles sont plus meurtrières, plus performantes et plus sournoises. Ce sont des poisons qui ne laissent aucune trace de leurs auteurs ou de leurs alchimies. Nous sommes devant une crise qui n’est pas seulement politique, mais qui est désormais métapolitique, c’est une crise des valeurs, des valeurs fondatrices de la civilisation. Le pouvoir n’est plus un sacrifice, il est devenu une consommation. Nous sommes passés de l’âge des Services à celui de l’hédonisme politicien. Le pouvoir n’a plus le pouvoir et quand il n’y a plus la notion du Bien Commun, comme du temps de Jeanne d’Arc, parce qu’on a liquidé le pouvoir, il ne reste que les caïmans et les crocodiles qui se mangent entre eux dans la piscine sanguinolente.
Que nous apprend Jeanne d’Arc sur notre époque?
Elle nous apprend d’abord une grande leçon: quand tout est désespéré, rien n’est désespéré. Elle nous apprend qu’il faut Souffrir pour Espérer. Elle nous apprend que la part du visible de la vraie vie est infiniment plus confinée, même si elle est plus voyante que la part de l’invisible de celle-ci. Elle nous apprend que le visible est tramé dans l’invisible et que l’invisible affleure dans le visible. Que la nature et la surnature vont ensemble. Jeanne n’est pas une mystique, mais une petite fille de tous les jours. Elle aime rire, chanter, danser. Elle a de l’entrain dans le caractère, elle est coquette, elle aime les toilettes, les tissus et les laines rares. C’est une fille de l’eau, une fille des champs qui court dans la vallée des couleurs de Vaucouleurs. Elle est aussi une fille de piété. Elle est les trois à la fois. Aucune des trois filles qui la composent ne l’emporte sur l’autre. Jehanne est le plus formidable trait d’union que l’histoire ait jamais inventé entre le Ciel et la terre. Mais, chez elle, l’extraordinaire vient se tramer dans l’ordinaire.
Elle nous apprend aussi qu’un pouvoir qui n’est pas établi sur la pérennité et la sacralité est dénué de vraie légitimité. C’est la raison pour laquelle elle veut emmener le Dauphin à Reims. Elle ne se contente pas de dire au Dauphin: «Vous vous inscrivez dans la pérennité, vous êtes donc roi par la nature.» Elle ajoute: «Vous ne serez vraiment roi légitime que par l’onction». Il y a dans le pouvoir une part secrète, absente du monde des hommes et qui vient de beaucoup plus haut. Toutes les sociétés qui ont refusé de reconnaître que le pouvoir n’est qu’un emprunt à quelque chose de supérieur, ont périclité. On est aujourd’hui au comble de l’inverse de la leçon de Jeanne dans cette absence totale du Pouvoir dont on ne goûte plus que les affèteries. Les légistes du temps de Jeanne d’Arc disaient: «le pouvoir est composé de deux éléments: la potestas et l’auctoritas». La potestas est le pouvoir de gouverner et de légiférer tandis que l’auctoritas signifie l’aura, le symbole. Quand un pouvoir a beaucoup d’auctoritas, il n’a pas besoin de la potestas. Quand il n y a plus de mœurs, on fait des lois. Une société qui a encore des mœurs, ne fait pas de lois. Un monarque assure son autorité par l’auctoritas. Un monarque qui fait des lois est faible. Aujourd’hui, on a perdu la potestas et l’auctoritas: la potestas est partie à Bruxelles et l’auctoritas dans les médias. Le roi est nu, il ne reste que le casque et le scooter!
Vous comparez l’Europe de Bruxelles et celle de Jehanne d’Arc. N’êtes-vous excessif et anachronique?
Le Traité de Troyes vaut bien le traité de Maastricht. En 1420, que pensent les élites? Autour d’Isabeau de Bavière, plissée de gras sous le hennin, cette «truie couronnée» comme on l’appelle à l’époque dans les pays de France, les élites pensent que la souveraineté est une charge trop encombrante. Donc il faut s’en débarrasser. On cède et on transfère la souveraineté à l’étranger, à l’Angleterre. On pense y gagner en prospérités. On console le peuple en lui disant que la France sera plus grande quand elle sera anglaise. Et voilà que le petit roi d’Angleterre devient le petit roi de France et d’Angleterre, Henri VI. Il y a un régent en France qui s’appelle le duc de Bedford, qui est le beau-frère du duc de Bourgogne. Comment Jeanne appelle-t-elle les Bourguignons, ceux-là même qui préfèrent que la France soit gouvernée par l’Angleterre que par le roi de Bourges? Elle les appelle des «Français reniés». Quelle sémantique! C’est la trahison des élites: la trahison des élites politiques, celles qui se déchargent de la souveraineté, trop lourde à porter, et qui considèrent que la France a fait son temps ; la trahison des élites économiques aussi, qui, pour l’essor de leurs commerces, au nom des laines anglaises, des tissus flamands et des vins de Bourgogne, demandent au roi de France, avant d’entrer dans la ville de Troyes, de les rassurer: «dites-nous que les affaires continuent à prospérer comme avant» ; et bien sûr la trahison des clercs enfin, qui refusent que Jeanne aille voir le Pape, ce qui est son droit le plus strict et qui lui reprochent un excès de patriotisme. Il y a une sorte de balise permanente dans l’histoire de France. Le peuple suit ses héros. Le peuple sent les sincérités de celui qui le sauve, de celui qui l’accompagne dans ses ardeurs, dans ses blessures et ses désespoirs, en l’occurrence Jeanne d’Arc. Alors même que les élites, qui sont toujours en polarisation inverse, renouvellent sans cesse leur posture d’opposition à la survie de la France. Elles préfèrent à leurs voisins, le très lointain, et à leurs propres souvenirs la mémoire des autres. Toute sa vie, Jeanne d’Arc va lutter avec le peuple contre les élites. Comme dans les films, je dirais que toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n’est que pure coïncidence!
Comment expliquez-vous cette fracture entre le peuple et les élites?
Les élites ont plus de distance affective avec la France que le peuple. Les élites sont moins enracinées dans le sol de France que le peuple. Le peuple vit dans les paysages de la France, dans les entrailles de la France, dans les souvenirs de la France, dans le cœur de la France. Le peuple cultive la mémoire de ses morts. Les élites sont en villégiature, elles voyagent et ne voient plus les frontières. Elles voyagent dans les nuages cotonneux et tendent la main au-dessus des petits toasts de caviar, elles voyagent au-dessus de l’Inde où les enfants de moins de douze ans fabriquent les luxueux costumes qu’elles portent sur elles. Ces élites-là, ces nouveaux «Français reniés», sont des élites déchues. La Révolution a abattu la monarchie, elle l’a remplacé par une démocratie qui est devenue aujourd’hui une oligarchie. L’oligarchie médiatique, l’oligarchie des banquiers de Francfort, l’oligarchie du CAC 40, l’oligarchie des commissaires de Bruxelles, pour ne pas parler de l’oligarchie américaine de l’OTAN. Un jour, une génération se lèvera qui balaiera les oligarques du multiculturalisme et du consumérisme.
Justement, quel est votre regard sur la génération Manif pour Tous?
C’est la petite sœur Espérance de Péguy. Aujourd’hui, si Jeanne d’Arc revenait, elle aurait à affronter à une nouvelle idéologie. L’oppresseur n’est plus l’Angleterre, mais le mondialisme, qui sépare l’homme de ses attachements vitaux: on est en train de fabriquer pour la France de demain, un petit homme consommateur à l’américaine qui sera asexué et apatride. Il n’aura plus ni racine, ni filiation. Il ne pourra plus se retourner sur son passé et n’aura donc plus d’horizon. Il deviendra fou, fou de plaisir, fou de l’instant, le fou de Chesterton qui a tout perdu sauf la raison. L’ensemble des autorités temporelles et spirituelles a tendance à considérer aujourd’hui que le seul enjeu est, comme on dit à l’école aux enfants, de «sauver la planète». On ne cherche plus à sauver la France mais à sauver la planète. On ne veut plus sauver une civilisation, on veut sauver les phoques et les ragondins appelés à devenir des sujets de droit et on chosifie l’embryon humain. Dès lors, la nation est montrée du doigt, elle est regardée comme un obstacle à la fraternité cosmique. Les déclinaisons de cette idéologie sont l’immigrationisme, l’hédonisme, le consumérisme, avec un objectif inavoué: la création d’un seul marché mondial qui permettrait aux entreprises américaines d’inonder le monde et de faire de l’individu un atome, un consommateur sans attaches affectives. L’Amérique ne veut plus de frontières, d’États, de lois nationales. Elle veut le libre échange planétaire. Elle veut des consommateurs plutôt que des citoyens, imprégnés de soft power, coca-colonisés et qui se passent, de bouche en bouche, le même chewing-gum.
La première urgence est de retrouver l’idée de France: une nation n’existe pas sans contours, ni conteurs. Si elle cesse de rêver et de se définir, si elle perd ses frontières, elle s’abîme. Mais il faut aussi savoir lire les signes d’espoir comme l’immense succès de la «Manif pour Tous». C’est la première fois dans l’histoire de France que des gens ont quitté leurs domiciles, leurs soucis familiaux et personnels, leurs inquiétudes économiques afin de venir manifester pour des idées et non pour des intérêts. C’est la protestation la plus gratuite de notre histoire. Cela laisse penser que la France ne veut pas mourir. Quand il y a un million de personnes dans la rue qui refusent qu’elle meurt, elle ne mourra pas. Lénine disait, «il me faut mille hommes
». On peut penser aujourd’hui, comme lui, qu’un jour il suffira de mille hommes: par leur sacrifice et l’élévation de leur âme, ils changeront la donne de cette société éreintée. Mon livre n’est qu’un petit caillou blanc que je dépose sur le chemin de ces petits hommes-là qui tiennent leurs lucioles allumées au milieu de la poussière d’atomes.
Ce livre est-il aussi un moyen de répondre à l’angoisse identitaire qui semble tarauder les Français?
Bien sûr. J’ai fait le livre qu’on me déconseillait. On prétendait que Jeanne d’Arc était un sujet ringard, tout comme le Puy du Fou était réputé ringard avant qu’il ne soit sacré le plus beau parc du monde deux fois en trois ans… Aujourd’hui, le Puy du Fou caracole ; et, deux jours après sa parution, les ventes de mon livre ont explosé. Cela signifie qu’il y a une soif, une demande de retour aux sources primordiales de la Grandeur, de l’Émotion. C’est le Beau qui sauvera le monde, Dostoïevski l’avait dit.
Désiriez-vous exalter les racines chrétiennes de la France, voire de l’Europe?
L’Europe aujourd’hui est en train de mourir. Elle meurt culturellement et démographiquement. Elle meurt d’un chassé-croisé entre l’avortement de masse et l’immigration de masse. Parce qu’elle ne croit plus en la Vie. L’enfant est la ligne de flottaison de l’espoir d’une société. Pour qui regarde la Russie du fameux «diable Poutine» tel qu’il est décrit par l’Amérique consumériste et multiculturelle d’Obama, il est facile de constater qu’elle connaît une véritable restauration de ses valeurs civiques, morales et spirituelles. Pendant qu’on inaugure un McDonald en Europe, on ouvre une Eglise orthodoxe en Russie. Il se pourrait bien qu’un jour la troisième Rome vînt sauver la seconde.
Le risque n’est-il pas de basculer dans un communautarisme chrétien face à un communautarisme musulman? La laïcité ne reste-t-elle pas le meilleur rempart pour préserver l’unité de la nation?
La laïcité a été inventée par Jésus Christ et codifiée par l’Eglise catholique au Moyen-Age. La séparation entre le spirituel et le temporel date des Évangiles. C’est une invention géniale qui permet de ne pas confondre les sphères. Aujourd’hui, on voit bien que le problème de notre société est double. D’un côté, on a un laïcisme à la Vincent Peillon qui propose d’absorber le spirituel dans le temporel et donc de fabriquer des enfants sans leurs parents pour pouvoir les élever dans un matérialisme absolu. Et de l’autre côté, l’islamisme qui propose l’inverse: absorber le temporel par le spirituel avec la charia et l’Oumma. La seule protection possible contre ces deux tentations séculaires réside dans la culture chrétienne de la vraie laïcité fondée sur deux principes inséparables: le spirituel et le temporel s’irriguent mutuellement, mais ne se confondent pas.
Plutôt que d’insulter Zemmour tous les jours comme ils le font, les oligarques et les médiacrates devraient s’interroger sur le sens de ce livre qui répond à un cri que la « Société de Connivence » ne veut pas entendre.
Quel regard portez-vous sur Marine Le Pen? Défend-elle aujourd’hui les thèmes que vous portiez par le passé?
Je ne veux pas entrer dans la politique politicienne. Je suis sorti de la vie publique électorale par la grande porte. Je n’ai pas l’intention d’y revenir par la cuisine! La classe politique est morte, mais elle ne le sait pas encore.
Vous n’avez plus de mandat. Quel rôle politique entendez-vous jouer?
Abandonner volontairement ses mandats n’interdit pas d’exprimer des idées. C’est même le contraire! Les gens qui ont des mandats n’ont pas d’idées et les gens qui ont des idées n’ont pas de mandat. Je suis passé dans la deuxième catégorie. Dans la première, ils sont nombreux à barboter!
Même si je ne regrette rien de ce que je faisais avant, ce que je fais aujourd’hui me paraît plus utile. Ce sont les idées qui mènent le monde et l’œuvre du Puy du Fou, qui est une œuvre de civilisation et de rayonnement, fait découvrir à beaucoup de jeunes Français, la France et l’histoire de France. Il la fait également découvrir à beaucoup d’étrangers. Le Puy du Fou est en train de devenir un fleuron dans le monde entier, la Russie le sollicite, l’Amérique le plébiscite. Nous venons de recevoir la plus haute distinction mondiale aux Etats Unis, cette semaine ; et le jury mondial a déclaré: «le Puy du Fou est désormais sur le toit du monde».
Il est symptomatique – et c’est une forme d’ironie de l’histoire – que, finalement, ceux qu’on accusait d’être des franchouillards de la France rancie et qui sent le renfermé, sont les plus conquérants, les meilleurs ambassadeurs et les investisseurs les plus performants dans la mondialisation des échanges. Car les racines sont des promesses. Pour être de son temps, il faut être de quelque part. La nation est le chemin du monde. Le singulier porte l’universel, les mondialistes l’oublient trop souvent.
C’est Jeanne qui a fait rimer pour toujours l’Espérance avec la France. C’est elle qui a porté témoignage pour toujours que dans le mot « Souffrance », il y a encore le mot « France ».
Diriez-vous que vous voulez mener le combat culturel un peu à la manière d’Eric Zemmour? Quel regard portez-vous sur le succès de son livre?
Quand un livre se vend à plus de 300 000 exemplaires, ce n’est plus un phénomène d’édition, mais un phénomène d’opinion. Plutôt que d’insulter Zemmour tous les jours comme ils le font, les oligarques et les médiacrates devraient s’interroger sur le sens de ce livre qui répond à un cri que la «Société de Connivence» ne veut pas entendre.
Jeanne d’Arc nous apprend qu’il ne faut jamais désespérer. Éric Zemmour n’est-il pas finalement trop pessimiste pour vous?
Le propos d’Eric Zemmour dans ce livre était de décrire la pente descendue. Il faut le lire en creux. Il raconte comment on a détricoté la France. En lisant entre les lignes, on peut voir comment la retricoter.
Mon propos est différent. J’ai choisi d’écrire le journal intime de la plus grande héroïne de l’histoire de France. J’ai voulu l’approcher pour la mettre à la portée de ceux qui rechignent à lire des livres d’histoire sur elle. Les historiens font leur métier, mais il s’agit parfois d’une besogne de médecins légistes. Par tempérament et par goût, je suis plus tenté par l’allégorie. J’ai fait ce livre parce que, comme tous les Français, j’aime les chevauchées, les hautes figures et les poètes. L’œuvre que Jeanne d’Arc laisse derrière elle est d’abord une œuvre poétique. Dans la rencontre du sublime et de l’insoutenable au cœur de son procès inique, ses répliques sont des monuments de la langue française. Elle répond aux insultes par des mots frappés comme des médailles. Où a-t-elle pris tout cela? Où est-elle allée chercher ces trouvailles devenues des citations incomparables? J’ai voulu savoir. C’est pourquoi j’ai écrit ce livre. Doucement, je me suis approché. J’ai suivi la petite Jeannette derrière ses brebiettes. Je l’ai vue entrer dans les cryptes, traverser les bois, tirer l’aiguille, tourner le fuseau. Elle écoutait. Toujours, elle écoutait. Comme elle attrapait les libellules à la crête des ajoncs, le long du petit ruisseau des Trois-Fontaines, elle cueillait ce qu’elle entendait. Elle cueillait les mots comme on cueille les pâquerettes d’eau. Les mots du pays. Elle était une paysanne. Une paysanne qui meurt, c’est comme une bibliothèque qui brûle. Ils l’ont brûlée. Mais elle demeure le plus pur chef d’œuvre que le génie allégorique français ait jamais déposé dans notre littérature. La France est un poème. Chaque héros y a déposé une harmonique singulière. Mais c’est Jeanne qui a fait rimer pour toujours l’Espérance avec la France. C’est elle qui a porté témoignage pour toujours que dans le mot «Souffrance», il y a encore le mot «France».