Les obsessions artistico-contemporaines des plasticiens sont tellement connues qu’elles ne choquent plus, contrairement à ce qu’ils croient : elles saoulent.
La Foire internationale d’art contemporain 2017 pollue un certain nombre de musées parisiens, jusqu’au musée Delacroix, écrin violenté. Mais le musée du Louvre a refusé qu’on installe le Domestikator dans le jardin des Tuileries. L’œuvre de douze mètres de haut de Joep Van Lieshout représente un couple stylisé, cubique, en position de levrette. Jean-Luc Martinez, président du Louvre, a expliqué son refus par l’incompréhension du « public traditionnel ». Il aurait été plus juste qu’il repousse cette œuvre de son champ de vision par conviction : le sarcophage étrusque dit « des Epoux », un des joyaux du Louvre, s’oppose radicalement au Domestikator. Hélas, le Louvre n’est pas contre l’art contemporain, il en accueille, relativisme oblige.
Le Domestikator a trouvé refuge sur le parvis du centre Pompidou. Le musée organise de remarquables expositions de peintres, David Hockney, André Derain ? Le relativisme, encore lui, exige que les visiteurs subissent et aiment le Domestikator, « magnifique utopie en prise avec l’espace public » selon le directeur de Beaubourg, Bernard Blistène. En quoi une levrette serait-elle une utopie ?
Les femmes en action
A Bruxelles, la plasticienne Laurence Dufaÿ expose jusqu’au 12 décembre une sculpture représentant un clitoris de trois mètres de haut, Clitoriz soufflé, en mousse de polyuréthane. Pour dire combien c’est original, un clitoris du plasticien Mathias Pfund a été exposé les trois premières semaines d’octobre sur un rond-point de Neuchâtel, en Suisse. Mais Laurence Dufaÿ croit dur comme fer que son clitoris « est exubérant, parce qu’il est transgressif ». Une œuvre contemporaine, fût-elle la banalité même, doit être étiquetée « transgressive », cela fait trente ans que le tic verbal perdure. De même qu’elle doit questionner, interroger : Clitoriz soufflé est présentée dans le cadre d’une exposition « qui interroge la représentation du corps dans la société », et au musée Delacroix Katinka Bock « s’attache à questionner le passage du temps et la représentation de l’espace ».
Et Deborah de Robertis, quelle est sa mission ? « Mon message est de questionner la place des femmes artistes dans l’histoire de l’art. » Pour ce faire, fin septembre, la performeuse franco-luxembourgeoise s’était exhibée devant La Joconde et les touristes, assise jambes écartées, en scandant « Mona Lisa, ma chatte, mon copyright ». Embarquée par les gardiens, elle a mordu l’un d’eux au bras, comme une ordinaire députée En Marche. Le 18 octobre, les juges l’ont condamnée à 35 heures de travail d’intérêt général pour cette morsure. Concernant l’exhibition sexuelle, elle a été relaxée. Les juges ont estimé être devant un « acte militant et artistique », sans « élément intentionnel » de commettre une exhibition sexuelle. Les juges ont toujours beaucoup d’indulgence pour les Femen… ou anciennes Femen, ce qu’est Deborah de Robertis. Mais s’il le fallait, ils condamneraient à nouveau Baudelaire.
Le harcèlement de rue, les femmes voilées, disons plutôt bâchées, les nombreux viols d’Européennes par des migrants ? Les Femen et les plasticiens laissent ces combats à d’autres, le leur est tout entier orienté contre l’homme blanc et ce qu’ils pensent être son art, sa culture. Pas touche à l’exogène ni à l’islam ! Diplômée d’un master en anthropologie prospective (là, pour le coup, ça questionne), Laurence Dufaÿ déclare militer avec son Clitoriz soufflé contre l’« excision intellectuelle ». C’est beaucoup moins risqué que de militer contre l’excision réelle des petites filles musulmanes en Afrique… ou sur le sol français. L’art contemporain cache ses tabous derrière ses poncifs.
Photo : Joep Van Lieshout et son Domestikator censé dénoncer la domination de l’Homme sur la nature.