La scénographie de l’horreur!

Délicat exercice, mais néanmoins nécessaire. Pour comprendre ce que sont aujourd’hui l’Etat islamique et ceux qui s’en revendiquent, pour saisir ce qu’est cette nouvelle internationale de l’horreur, “Marianne” a comparé la manière dont a été filmé l’exécution d’Hervé Gourdel avec celles des otages américains et anglais. Conclusion : les membres de l’État islamique en Irak maîtrisent la mise en scène, ils l’ont soigneusement pensée. Leurs “franchisés” algériens n’ont fait que la copier…

 Dans ces vidéos, l’EI montre sa force au monde et adresse un avertissement : voici ce qui vous arrivera si vous suivez l’Amérique. 

Depuis, la France a suivi l’Amérique et l’heure n’est plus aux « avertissements ». Depuis, une nouvelle vidéo est en ligne. La vidéo de l’assassinat d’Hervé Gourdel, un Français, tué en Algérie, sous la lame d’islamistes radicaux du groupe Jund al-Khilafa, se revendiquant du même État islamique (EI).

Comme l’EI donc, les images de l’assassinat ont été enregistrées, puis diffusées. Comme pour James Foley, Steven Sotloff ou David Haines, « le bourreau commence par égorger sa victime de manière laborieuse puis la vidéo coupe et l’organisation filme le cadavre décapité avec la tête posée dessus », décryptions-nous. Mais nous sommes désormais en Algérie. Les bourreaux ne sont pas les mêmes. Et ça se voit.

Aucune recherche « esthétique »

Des images d’avions militaires, de discours de François Hollande, de bombardements ouvrent la séquence macabre. Puis un message, d’abord en arabe, ensuite en français. « Message de sang pour le gouvernement français ». Une police moins stylisée et un ennemi clairement désigné. La vidéo de David Haines s’adressait plus largement aux « alliés de l’Amérique ».

C’est alors que l’on découvre Hervé Gourdel, à genoux, les mains attachées dans le dos, dans une tenue qui pourrait être la sienne. Pas en combinaison orange rappelant la tenue des prisonniers américains en tout cas. Derrière lui se tiennent quatre hommes, les visages masqués, armés, devant un décor qui n’a plus rien à voir avec le panorama épuré et désertique des vidéos de l’EI. Une seule caméra. Une image de mauvaise qualité, qui bouge. On est loin de la précision « stylistique » de l’EI.

Hervé Gourdel parle, très brièvement : « Hollande, tu as suivi Obama », lâche-t-il, face caméra, avant de s’adresser à ses proches et leur envoyer un message d’adieu. Puis une voix couvre la sienne, en arabe, saturée, le son est très mauvais. Cette personne s’exprime longuement. Dans les vidéos de l’EI, un seul bourreau était présent. Celui-ci s’exprimait dans un anglais parfait. Jusqu’à l’exécution. Cette fois, les « croisés criminels français » sont accusés de s’en prendre aux musulmans en Algérie, au Mali et en Irak. Il est reproché à la France d’avoir dépassé le délai accordé (d’un jour) pour cesser sa « campagne contre l’Etat islamique et sauver » Hervé Gourdel. Sa mort, est-il expliqué, est une vengeance pour les « victimes en Algérie (…) et en soutien au califat ».

Barbarie reste barbarie

Un des hommes bâillonne alors Hervé Gourdel. Puis l’image coupe. Le Français est sur le flanc, bâillonné, pieds et poings liés. Deux des quatre assassins s’affairent à le maîtriser. Un troisième reste debout, en retrait. Le quatrième, celui qui l’a bâillonné, s’approche en tenant ce qui doit vraisemblablement être un couteau. La main va vers la gorge. L’image coupe.

Hervé Gourdel est mort. Sa tête est posée sur son corps, ensanglantée. Écran noir. Un cinquième homme est apparu. Il tient désormais la tête d’Hervé Gourdel à bout de bras, exposée comme un trophée de chasse. D’ailleurs, un autre a son pied posé sur le corps du Français. Ils continuent de parler en arabe. Répétant certains mots en chœur, comme des prières.

Dans les précédentes vidéos de l’EI, le corps décapité était montré, filmé de près, sans personne autour et sans commentaire. Puis, après le massacre, le futur exécuté était dévoilé, comme une « bande-annonce ». Là, il n’en est rien. Heureusement pourrait-on dire.

En fait, seule la décapitation pratiquée au couteau relie la mise à mort d’Hervé Gourdel à celles de James Foley, Steven Sotloff ou David Haines. Cette nouvelle vidéo nous rappelle plus les exécutions « classiques » d’avant l’EI, dans le sens où un homme en tue un autre, sans recherche d’esthétisme macabre dans la mise en scène. Mais qu’importe : la barbarie, qu’elle soit théâtralisée ou pas, reste de la barbarie.

Source

Voir la vidéo (âmes sensibles s’abstenir!)

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