La forme courte sied à Drieu, qui ne gaspille pas ses mots et ne perd jamais de vue son objet. Dans ces chroniques parues dans divers journaux et revues (NRF, Figaro, Marianne où officia aussi Marcel Aymé) et dont une bonne partie n’avait jamais été recueillie, quelques thèmes récurrents. Incursions dans la peinture (Goya, Soutine), réflexions sur la littérature (les descriptions, le héros) mais aussi des commentaires hygiénistes et moraux sur l’allure physique et spirituelle du Français des villes… « C’est grave pour un peuple de ne point respirer au même rythme que tous ses voisins », alors que les dos se redressent et que les épaules sont fières en Allemagne, en Italie, en Russie – mais aussi « dans n’importe quel pays démocratique scandinave, ou balte, ou balkanique ».
Des choses vues le 6 février 34, l’arrivée de l’Aiglon aux Invalides sous l’Occupation font l’objet de récits distanciés au point de devenir de fantomatiques évocations, des événements dont le sens est si médiocre ou si élevé qu’il est vain de le chercher.
De temps à autre, comme un don de prescience fait un clin d’œil au lecteur de 2016. Une visite à la basilique Saint-Denis, un dimanche glauque en banlieue : « Une mosquée ne serait pas plus insolite que ce fragment enchanteur parmi les surfaces inertes de notre temps. » Ou cet éloge de la censure aux ciseaux, tellement moins hypocrite et moins efficace qu’une censure « préventive » qui s’exercerait « sur la pensée à sa naissance et non pas à son terme » : pour le coup, « ce serait une véritable censure ; et il n’y aurait plus de liberté pour la presse ».
Pierre Drieu La Rochelle, Chroniques des années 30, Les éditions de Paris – Max Chaleil. 144 pages,
15 euros.
Guy Denaere – Présent