Dans Quand la gauche agonise / La République des bons sentiments, il prolonge et approfondit son analyse. En digne médecin au chevet du moribond, il constate que son patient est incurable, mais il ne saurait préconiser l’euthanasie. Il observe que le malade est probablement en train de se suicider à petit feu, mais qu’il a encore d’amples soubresauts, et que l’heure de l’extrême-onction et du certificat de décès n’a pas encore sonné. L’un des chapitres intitulé « Pourquoi la gauche peut mourir ? » montre bien qu’un doute subsiste sur l’avenir. Il faut donc s’efforcer d’éviter la contagion aux populations saines, en expliquant la nature de la maladie et les mesures de prophylaxie à adopter.
L’essai déroule ainsi, en courts chapitres, un travail sémantique et généalogique dans deux directions complémentaires :
La première s’inscrit dans un cadre qui a déjà été exploré par de nombreux penseurs et que Paoli lui-même a déjà investigué dans ses essais antérieurs. Il s’agit de « déconstruire les dé-constructeurs », pour reprendre une formule d’Eric Zemmour. Dans cette catégorie sont dénoncés, par exemple, comme cela a été dit, la perversion de la notion de « valeurs de la République », la religion des droits de l’homme, la fiction du « vivre-ensemble », la « tyrannie compassionnelle », le déni de réalité face à l’islamisation et, plus généralement, face à une communautarisation favorisée par des décennies d’installation sur le territoire de populations immigrées non assimilables.
En filigrane du propos apparaît un constat de plus en plus évident et incontesté : la gauche a abandonné le domaine du « social », en clair la défense d’un « peuple » qui était celui des Français de souche, et qui s’est progressivement, mais définitivement détourné d’elle, pour rechercher un prolétariat de rechange incarné dans la figure de l’immigré, instrumentalisé à des fins purement électorales. Que cette tentative de survie débouche, au mieux, sur un échec, au pire, sur des troubles graves – ou une soumission à la Michel Houellebecq – ne semble pas être la préoccupation première de la gauche, ralliée au libéral-libertarisme dominant. Elle est en tout cas celle de l’auteur, dans une réflexion bien argumentée et qui reflète des convictions bien ancrées sans verser à aucun moment dans l’excès de langage.
En second lieu, Paul-François Paoli livre, après la démystification, une réflexion sur les notions de Nation, d’identité nationale et de République. Contre tous ceux qui prétendent que la nation est une notion périmée et que la France doit s’effacer devant l’Europe ou le village global, il nous rappelle que « la République française est aussi un Etat » « …la souveraineté française… a précédé la République et celle-là n’existerait sans la première qui la conditionne depuis des siècles. Les droits de l’homme proclamés par la Révolution ont eu pour conditions un territoire et un Etat ».
Mais l’identité nationale ne repose pas que sur le territoire, elle suppose également une « relation à la terre » malheureusement de plus en plus perdue, mais aussi une culture dominante partagée. « L’assimilationnisme républicain suppose non pas une parité entre les cultures, mais le primat d’une culture d’élite : celle de la langue française ».
L’auteur souligne à cet égard que cette volonté d’assimilation a progressivement perdu tout son sens avec l’arrivée d’immigrés de culture et de religion dissemblables, et souvent hostiles aux nôtres. Comment pourrait-on d’ailleurs plaider l’assimilation quand Eric Besson, ci-devant ministre chargé de « l’Identité nationale » sous le quinquennat de Sarkozy, affirmait que « la France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble ».
Pour Paoli, les choses sont claires : « On peut être français de moult manières, sans ressentir un lien ethnique avec les “Français de souche”. Mais ces Français existent, ils sont même majoritaires ». Il montre en outre que le fait de se définir comme « Français d’abord » ne conduit pas à refuser tout sentiment d’appartenance à d’autres communautés – l’auteur n’oublie pas qu’il est corse et a d’ailleurs consacré plusieurs ouvrages aux grandeurs et servitudes de sa « corsitude ». Mais le communautarisme devient dangereux quand il dérive en groupe d’influence politique dressé contre la France. La question de l’islam est évidemment au cœur de ce débat.
Paul-François Paoli met également en exergue les contradictions de la gauche pro-israélienne, qui traque en France les idées souverainistes, identitaires et nationalistes, « moisies » et « nauséabondes » par définition, mais feint d’oublier que l’existence même d’Israël et le mouvement sioniste reposent précisément sur ces idées érigées au rang de valeurs fondamentales.
En ce qui concerne les « valeurs de la République », l’auteur précise sa position : «… il est républicain, mais il n’affuble pas ce terme d’une dimension religieuse ou métaphysique. L’idée républicaine participe de la France moderne depuis la Révolution mais “la France” n’est pas réductible, loin s’en faut, à la République, que l’on perçoive celle-ci sous l’angle d’un système de valeurs ou sous l’angle institutionnel ».
En définitive, Quand la gauche agonise établit un heureux compromis entre réflexion idéologique nourrie aux meilleures sources et considérations ancrées dans le constat de la dure réalité, avec au passage quelques coups de griffes bien mérités contre les faiseurs d’opinion, de BHL à Caroline Fourest. Mises à part deux concessions à l’esprit du temps (les races n’existent pas ; le judaïsme n’est pas prosélyte…), il s’agit d’un ouvrage courageux, qui complétera utilement et agréablement la bibliothèque de ceux qui veulent comprendre la marche du monde.
Bernard Mazin – Polémia