Le jour de la conférence de presse tenue par l’ensemble des associations réunies sous le Collectif “Marchons enfants” et annonçant une manifestation le 6 octobre, Monseigneur Pierre d’Ornellas et les membres du groupe de travail Église et bioéthique de la Conférence des évêques de France, publient une note sur les conséquences de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP). Sans envisager tous les points du projet de loi relatif à la bioéthique, cette note de 6 pages envisage surtout l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation et ses conséquences.
Il est évident qu’une loi de bioéthique ne se résume pas à poser des équilibres, plus ou moins judicieux et toujours insatisfaisants, entre les adultes et entre adultes et enfants. L’envisager conduirait à privilégier une sorte d’« éthique du curseur ». Jusqu’où alors placer le curseur ? Quel serait donc le critère objectif assurant de façon pérenne un juste équilibre des intérêts entre enfants, donneurs et adultes souhaitant des enfants ?
Aujourd’hui, beaucoup dénoncent un curseur allant de plus en plus loin, comme si les désirs, exacerbés par l’individualisme et par la fascination des techniques, ne rencontraient aucune résistance. Cependant, avec l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes, le curseur franchit un point de non-retour, ce que le projet de loi assume puisqu’il met en exergue « l’égalité des modes de filiation » dans un « article principiel » du Code civil (article 6-2 qui fait suite à l’article 6-1 créé en raison de la loi dite Taubira).
L’ouverture de l’AMP aux femmes vivant en couple et aux femmes seules est un marqueur décisif pour la société française. Cette mesure introduit en effet une conception du droit et des liens à établir entre les êtres humains, qui est en rupture radicale avec celle qui prévaut depuis les premières lois de bioéthique, en 1994. Elle soulève des interrogations difficiles qui sont regroupées ci-dessous en quatre questions (absence du père ; égalité des filiations ; puissance de la volonté ; gratuité – eugénisme – médecine) que beaucoup de Français se posent silencieusement, avec « angoisse » aussi, comme le note le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans sa synthèse des États généraux.
Les évêques dénoncent notamment l’eugénisme de ce projet de loi :
Le premier point est relatif à l’encadrement de la possibilité accrue du dépistage génétique anténatal et la manière de transmettre l’information qui en découle (article 19 du projet de loi). Comment cet encadrement permettra-t-il que soit vraiment reconnu que la personne avec un handicap jouit des mêmes droits fondamentaux que les autres personnes humaines ? Parmi d’autres réalisations, l’Arche fondée par Jean Vanier ainsi que la journée européenne de la Trisomie 21, le manifestent admirablement. Ne faudrait-il donc pas inscrire dans ce projet de loi une promotion plus affirmée d’une société inclusive au nom de la fraternité ? Faute de quoi serait maintenue une contradiction flagrante : d’un côté, afficher le désir politique d’une telle société, et, d’un autre côté, offrir de plus enplus les moyens techniques conduisant à l’exclusion au nom des libertés individuelles.
Le deuxième point concerne « la modification d’un embryon humain », prévue à l’article 17 du projet de loi : Comment préciser juridiquement qu’elle ne peut être obtenue, même avec des cellules de la même « espèce » humaine, en vue d’un accroissement de ses potentialités, sous peine d’ouvrir la voie aux manipulations accréditant qu’il est bien d’aller vers l’homme augmenté ?
Le troisième point considère l’accès à l’AMP pour toutes les femmes, y compris celles qui vivent en couple avec un homme et pour lesquelles il n’y a aucune infertilité diagnostiquée. Comment éviter que se réalise le souhait de certains de ces couples de recourir à l’AMP avec donneur, voire en pratiquant une fécondation in vitro avec double don de gamètes, afin que l’enfant aient les caractéristiques convoitées par ces couples ?
L’enfant demeure un don à recevoir tel qu’il est, tout en tentant de soigner le mieux possible ses pathologies. Avec les tests génétiques, comment encadrer la prévention afin qu’elle ne glisse pas vers un eugénisme ?