Cette armoire est constituée de seize panneaux, sculptés de médaillons renfermant huit hommes et huit femmes vus de profil, dignes des meilleurs tailleurs d’images. Chacune de ces figures, aux chapeaux extravagants et variés, rythme l’armoire de manière harmonieuse. Les rinceaux qui les entourent, de facture encore rudimentaire, appartiennent à la période où les motifs italiens commencent timidement à pénétrer en France. Ce meuble constitue un jalon important de l’histoire du mobilier, entre le dressoir purement gothique et l’armoire à deux corps dans le style de l’école de Fontainebleau. Il témoigne d’une phase de transition où certains éléments décoratifs du gothique tardif, comme les six panneaux embrevés, sculptés à « plis serviette » sur les côtés de l’armoire, se mêlent aux rinceaux à volutes, aux arabesques et aux médaillons, reflets de la première Renaissance française.
Ce genre de meuble provient soit d’une sacristie, soit d’une demeure privée. En l’absence de symboles religieux ou de sources documentées, il est difficile d’en déterminer l’origine profane ou liturgique. Cette armoire fut probablement dès le début conçue à deux corps afin d’en faciliter le transport. Ainsi on comprend mieux l’unité des deux panneaux latéraux que le huchier, malgré la rupture entre les deux niveaux, a réalisés de manière à ne pas rompre le décor de « plis serviette ». On remarquera cependant que le balustre inférieur, plus massif, est rapporté, alors que les pentures, chose plus rare sur ce type de meuble, sont d’origine (aucune marque n’apparaît sous les ferrures). Le meilleur exemple que l’on peut rapprocher de cette armoire est le meuble qui se trouve actuellement dans l’église de Marseille-en-Beauvaisis, dans l’Oise. Il existe en revanche quelques armoires comparables à celle du musée des Arts décoratifs et datées de la même époque, à Bruges, à Liège, à Bruxelles, ainsi que dans certains châteaux du Val de Loire.