Le principe de précaution est inscrit dans la Constitution. Depuis vingt ans qu’il est apparu dans nos vies, il est passé du souci écologique – climatique, pour être précis – à la « santé publique », à l’alimentation, à tout sauf au domaine économique. Pas touche à l’économie. Crises ou pas, en ce domaine particulier, les marchés sont rois et rien ne saurait y mettre un frein. Bref, nous sommes devenus extrêmement précautionneux. L’État « Big Mother » veille sur nous dans la grande nurserie. Tenez, cette semaine encore, on pouvait lire sur les écrans du métro ce message : « Il fait chaud, pensez à vous hydrater. Buvez de l’eau. » Merci, la RATP. On n’y aurait pas songé.
C’est encore au nom du principe de précaution que l’on ne présente plus l’image d’un nourrisson dans une couveuse sans lui « flouter » l’entrejambe, au cas où un prématuré de quatre mois sous perfusion susciterait des désirs pédophiles.
Au nom du principe de précaution, là encore, les parents venus récupérer leurs bambins dans un centre de loisirs de Metz ont reçu, le 18 juillet, cette note : « Nous vous demandons de mettre soit des shorts, pantalons ou de mettre un short sous la jupe de votre fille car dans le groupe des plus de 6 ans notamment, cela permettra à votre enfant déjà d’avoir une meilleure mobilité pour les activités et sachez que nous avons des enfants de 10 à 12 ans qui peuvent avoir un comportement déplacé avec une petite fille dont la jupe se soulèverait. Nous voulons juste éviter des situations complexes à gérer. »
La mère d’une petite Alice a publié un message indigné sur sa page Facebook. Elle y exprime sa stupeur et sa fureur, largement partagées. Comment se fait-il que des « éducateurs » ne saisissent pas l’incongruité de la chose ? Comment se fait-il « qu’il ne leur vien[ne] visiblement pas à l’idée que ce n’est pas aux petites filles d’adapter leur tenue en fonction des gros lourdeaux, mais aux gros lourdeaux de s’éduquer ? » Et de conclure : « Ma fille […] a quatre ans. Et on lui fait comprendre que les jupes, c’est pas adapté si elle veut pas d’ennuis. Vous sentez ce qui cloche dans ce monde ? »
Moi oui, et vous aussi sans doute, mais pas la directrice du centre de loisirs. Interrogée par L’Obs, elle répond : « Je comprends que le mot ait pu être mal interprété. Il n’y a eu aucun geste déplacé entre les enfants, nous avons voulu anticiper (sic). Le but n’était pas du tout de demander aux fillettes de se cacher, il s’agissait avant tout d’éviter tout malaise et d’assurer le confort lors des activités extérieures. Il est hors de question qu’on remette des pantalons à toutes les filles, nous sommes sensibles à la question d’égalité. »
Quel magnifique cas de renversement. Car c’est évidemment au nom du vivre ensemble et pour la protection des petites filles que la directrice veut « anticiper ». Pour cela encore que, demain, peut-être, elle demandera aux parents de voiler les fillettes dès la maternelle, pour « éviter tout malaise ». Déjà, dans certaines écoles parisiennes, on a annulé des classes vertes parce que certains parents refusaient la mixité. Mais la directrice est sensible à l’égalité, et ça, c’est le plus important. L’égalité des principes et des cultures. C’est pour ça qu’elle a intégré l’idée qu’une petite fille en jupe est indécente, qu’elle est provocante, même à 4 ans. Alors, pour la paix sociale, elle accepte de camoufler ces petites créatures du démon, ces infâmes tentatrices. Pour cela qu’elle prend les devants : pour leur « confort ».
Et le pire, c’est qu’elle est absolument sincère.