Le Conseil constitutionnel vient de confirmer que tous les récits français sur l’État de droit ne relèvent que de la pure mythologie.
«Au plan des principes, le contrôle de constitutionnalité affecte donc la démocratie et tend à lui substituer une nomocratie» – Jean Gicquel
Si le professeur émérite, par l’emploi de ces termes, déplorait l’affaiblissement du légicentrisme et la soumission des pouvoirs publics à une hiérarchie normative trop restrictive, force est de constater que le Conseil Constitutionnel vient de mettre un terme à ses craintes. Par une décision du 23 juillet 2015, ceux qu’on surnomme bêtement les Sages ont définitivement validé la quasi-totalité des dispositions d’une loi qui constitue un véritable attentat à l’encontre de nos libertés individuelles.
Les dispositions essentielles de la loi sont validées. Seuls quelques points de détail ont été censurés. Il s’agit notamment de dispositions sur le renseignement étranger et sur le recours préalable au Premier ministre, y compris dans les cas dits urgents. Pour tout le reste, le gouvernement bénéficie désormais de la caution constitutionnelle pour affaiblir le peu de contrôle juridictionnel qui subsistait encore dans ce pays. Les boîtes noires algorithmiques sont actées. Le Conseil d’État est muselé. Le juge judiciaire est écarté. Enfin la loi contient des dispositions qui n’ont absolument rien à voir avec la menace terroriste comme la protection des « intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France » ou encore « la forme républicaine des institutions ». Le fait qu’une telle loi manifestement liberticide puisse être validée aussi facilement par le Conseil en dit long sur la qualité et le rôle de cette « juridiction » qui n’est en fait qu’une assemblée de notables et de retraités politiques à la botte des politiciens qui les ont nommés.
En validant la loi renseignement, le Conseil Constitutionnel révèle que les contre-pouvoirs dans ce pays ne relèvent que du fantasme. De la pure mythologie. Historiquement, les normes constitutionnelles n’ont jamais empêché les gouvernements de s’octroyer toujours plus de pouvoir sur nos vies. Cette énonciation ne vaut pas que pour la France. Si l’on regarde à l’extérieur des frontières hexagonales, les États-Unis sont probablement l’exemple paradigmatique de cette triste réalité. Triste mais peu surprenante en théorie. Après tout, comment une Constitution pourrait-elle garantir la liberté individuelle face à l’arbitraire du monopole de la violence légale quand celle-ci est justement écrite par le pouvoir politique qu’elle prétend limiter ? En définitive, le constitutionnalisme est devenu une vulgaire caution pour fabriquer notre consentement à la domination gouvernementale. Il est, au même titre que la démocratie, destiné à entretenir l’illusion du contrôle d’une machine dont l’action échappe en réalité à la volonté de ceux qui la subissent. Le plus inquiétant tient à ce que tout cela semble fonctionner à merveille puisque ces ingérences mafieuses dans nos vies privées ne semblent pas indigner la population. L’autoritarisme est devenu la norme et la liberté l’exception.