Par Pierre Malpouge
Retour à la rivière Kwaï ! Juin 1942 : la défaite de la marine japonaise lors de la bataille de Midway a coupé la route maritime du Japon vers l’océan Indien. Conséquence : le Japon a décidé d’achever la ligne de chemin de fer reliant la Chine à l’Inde – les Britanniques avaient envisagé de construire cette ligne 40 ans plus tôt, mais avaient abandonné le projet en raison du terrain difficile, du climat, des conditions sanitaires et de la complexité logistique – afin de ravitailler les campagnes japonaises en Birmanie. La portion de 415 km manquante, entre la Thaïlande et la Birmanie, sera bientôt surnommée « la voie ferrée de la mort ». Une voie ferrée qui devait passer par le pont de la rivière Kwaï…
« La voie ferrée de la mort »
Le gouvernement japonais n’ayant pas ratifié la Convention de Genève, tous les prisonniers de guerre des « Japs » étaient destitués de leurs droits et considérés comme ayant « changé de camp ». Les Japonais ont ainsi utilisé les prisonniers alliés pour construire la voie ferrée.
Une « main-d’œuvre » bon marché. Du « matériel humain » pour un chantier auquel 200 000 Asiatiques – Birmans, Javanais, Malis, Indonésiens – furent également « recrutés » pour accélérer les travaux et payèrent un lourd tribut (8 000 morts) pour cette construction.
Les conditions étant extrêmement difficiles, sans compter les brimades et les tortures tant physiques que morales des geôliers nippons, 6 648 prisonniers britanniques et 2 710 prisonniers australiens y laissèrent leur vie. Ceux qui ont survécu sont restés traumatisés par cet « enfer des hommes ».
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L’homme blessé
Prisonnier du passé ! La plupart des survivants de la construction de cette voie ferrée ont gardé le silence sur ce qui leur était arrivé durant leur détention, mais leurs nuits étaient agitées et emplies de cauchemars. Plusieurs années plus tard, Eric Lomax (Colin Firth), soutenu par son épouse Patti (Nicole Kidman), a décidé de faire face à ses démons psychologiques et bien réels.
Plusieurs années après, donc, cet ancien officier écossais, fasciné lorsqu’il était enfant par les trains, va rechercher, retrouver et affronter Takashi Nagose (Hiroyuki Sanada), l’officier japonais qui l’avait interrogé, torturé et laissé « mourir » d’épuisement (tout ça pour une histoire de récepteur radio bricolé avec trois fois rien), comme ses camarades, sur la « voie ferrée de la mort ». Un tortionnaire lui aussi hanté par son passé, devenu le gardien d’un « musée » de la mémoire du camp des tortures.
Face à face ! En s’inspirant du récit autobiographique – The Railway Man – d’Eric Lomax (décédé en 2013 lors du tournage), le réalisateur Jonathan Teplitzky signe un grand moment de cinéma sur la reconstruction, la rédemption et le pardon entre un ex-prisonnier de guerre et son bourreau, entraînés dans des événements qui les ont dépassés.
Du vrai cinéma et une vraie histoire humaine pour un drame psychologique servi par des acteurs frisant la perfection, notamment Colin Firth et Jeremy Irvine qui interprète Lomax jeune, et nous transporte dans le passé, dans le camp de l’enfer de « la voie ferrée de la mort ».
Lu sur Présent