Taddéï c’est fini!

https://www.youtube.com/watch?v=GHMVshXDgfU

« Ce soir (ou jamais !) », c’est fini. Nous ne vieillirons pas ensemble ! Dix ans d’une émission dans laquelle les contraires les plus extrêmes avaient droit de cité, sans risquer l’injure consensuelle et générale qu’on rencontrait partout ailleurs.

Et même si l’émission s’était depuis quelque temps assagie, sans doute sous la pression d’obscures volontés, elle avait encore ce mérite d’offrir une tribune à la réflexion là où règnent habituellement les pulsions décérébrées des uns et des autres.

Les contraires s’y frottaient sans que cela ne devienne une foire d’empoigne sous le regard satisfait de présentateurs ne recherchant que le coup médiatique, dont Ruquier et Ardisson ne sont pas les moindres et déplorables exemples.

Cela faisait déjà quelques années que l’on doutait de la pertinence d’un programme laissant la parole à des invités sulfureux, sans les interrompre ou laisser un public le faire par des huées dignes des jeux du cirque. Car il s’en trouvait toujours pour fustiger cette ouverture d’esprit intellectuelle, dont Caroline Fourest, qui avait admirablement résumé la censure idéologique des médias français en déclarant : « Je maintiens que les extrémistes sont surreprésentés dans les émissions politiques de “Ce soir (ou jamais !)” au regard de leur poids dans la société » (source : lexpress.fr).

Taddeï, contrairement à la multitude bruyante, savait que ce n’est pas en faisant taire médiatiquement quelqu’un qu’on l’empêche d’exister, surtout à l’heure d’Internet. Et contrairement à la rumeur, il n’offrait pas de tribune libre à certains extrémistes puisqu’ils avaient face à eux, sur le plateau, des contradicteurs de poids. Il ne se livrait pas non plus à des montages insidieux, dont Éric Zemmour fut victime sur Canal+.

« Le silence est la vertu des sots », disait Francis Bacon, et ça, Taddeï, l’avait fort bien compris, qui recevait toutes les obédiences idéologiques, à charge pour elles de se confronter dans le cadre d’échanges intellectuels, même si parfois houleux. Taddeï n’accomplissait donc que son travail de journaliste lorsque l’ensemble de la profession avait depuis longtemps troqué son éthique contre un costume idéologique.

Mais en nuançant la doxa d’une corporation massivement dévouée à la mondialisation, en prenant le parti de l’authentique controverse, Taddeï constituait un grain de sable dans la propagande officielle. Un grain par trop écouté, donc un péril. Il dut se résigner au politiquement correct et son émission s’en ressentit à la fin. Les invités furent plus présentables, avec toutefois, à la défense de l’intéressé, le maintien de cette rigueur qui était sa signature.

Ce vendredi 20 mai 2016, Taddeï s’en est donc allé, pudiquement, sans éclats larmoyants, car à « Ce soir (ou jamais !) », en plus de donner un sens au mot « débat », on savait se tenir. Hélas, cet anachronique programme ne correspondait plus à une époque où l’on se tape le cul par terre en regardant un Cyril Hanouna expectorer son indigence sur des spectateurs avides. Ce soir est devenu jamais. Tout est rentré dans l’ordre.

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