Devenu avocat d’affaires, Dominique de Villepin est revenu « travailler » une journée au Ministère des Affaires étrangères pour toucher une retraite dorée de 88 787,72 euros.
Dans les allées du pouvoir, certains se font cirer les pompes sur leur lieu de travail quand d’autres se font offrir des pots de départ à la retraite à 88 787,72 euros. Ca fait cher le petit four ! C’est pourtant la somme touchée par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui est revenu « travailler » une journée au ministère spécialement pour ça. L’affaire avait été dévoilée en mars par le quotidien britannique The Telegraph.
Dans leurs justifications respectives, le quai d’Orsay et le cabinet de l’ancien ministre des Affaires étrangères avaient eu du mal à accorder leurs violons. Porte-parole de Dominique de Villepin, Daniel Arlaud évoquait « une erreur administrative que M. de Villepin avait demandé de rectifier auprès des autorités compétentes ». De son côté, le quai d’Orsay se bornait à renvoyer les curieux à un décret du 8 juin 2011 permettant « aux cadres supérieurs du Ministère des Affaires étrangères de quitter définitivement les cadres de l’administration de façon anticipée (…) en contrepartie d’une somme correspondant à environ un an de traitement ».
Un parachute doré pour cadres du quai en fin de carrière
Signé par François Fillon, à l’époque, le décret avait éveillé la curiosité des bancs de l’assemblée nationale. Auditionné en juin 2011 par la commission des finances de l’assemblée nationale, alors présidée par…Jérome Cahuzac, le directeur général de l’Administration et de la modernisation du ministère des Affaires étrangères, Stéphane Romatet avait dû s’expliquer sur ce traitement de faveur accordé à 30 hauts fonctionnaires privilégiés.
Interrogé en commission, il détaillait l’objectif du décret : « Nous connaissons une situation difficile de sureffectifs dans l’encadrement supérieur : compte tenu de l’évolution de notre carte diplomatique et des nominations de personnalités de la société civile, une cinquantaine de diplomates sont aujourd’hui sans affectation. Nous nous sommes donc demandé s’il fallait les laisser durablement sans perspective d’affectation ou promouvoir un système d’aide à la reconversion, à la deuxième carrière. C’est ce dernier parti que nous avons pris. Un premier dispositif avait été mis en œuvre en 2009, pour une trentaine de cadres. Le Gouvernement a décidé de faire de même, à nouveau pour une trentaine de fonctionnaires. Il ne s’agit pas d’une préretraite mais du maintien uniquement du traitement de base, sans les primes, à partir de 58 ans et pendant une période limitée à trois ans, afin de permettre à ces diplomates d’envisager une reconversion ».
En clair, ça bouchonne depuis quelques années au sommet de la hiérarchie du quai d’Orsay. D’où la nécessité de favoriser les départs des membres en service de plus de 58 ans pour laisser la place aux jeunes qui attendent leur tour. C’est de cette mesure dont a bénéficié Dominique de Villepin. Rien d’illégal donc, mais un problème quand même. Le dispositif permet à une trentaine de personnes de quitter leur fonction dès 58 ans, tout en étant payés jusqu’à l’âge de la retraite, à quoi s’ajoute une indemnité de résidence et, un bonus. Un dispositif de « dégagement des cadres » assez fréquent dans la haute administration.
Un traitement de faveur censé permettre à ces hauts fonctionnaires « sortants » de se constituer un petit pécule pour monter leur affaire ou se reclasser. Outre que l’on pourra s’étonner de ces décrets fabriqués sur mesure pour quelques dizaines de personne, devenu avocat d’affaires, Villepin est à la tête, depuis 2008 de « Villepin International », une société de conseil plutôt prospère (1.6 millions d’euros de CA, 400.000 euros de bénéfices en 2013 et une fortune personnelle estimée à 4 millions d’euros).
Le hic, c’est que n’étant plus en service actif au ministère des affaires étrangères depuis 2004 – il quitte même la diplomatie en 1993 mais reste rattaché à son administration d’origine –, Dominique de Villepin n’a libéré aucun poste.
En disponibilité, l’ancien ministre des Affaires étrangères a même dû faire un bref retour au quai d’Orsay pour toucher son pécule. Un retour d’une journée, du 30 septembre au 1er octobre 2013, avec contrat « sur mesure » comme le prouvent les documents dévoilés par Marianne. Une journée à 88 787.72 euros. Un « golden parachute » pour hauts fonctionnaires.
Pour être payé à ce tarif là, l’ancien ministre a dû abattre un sacré boulot ! Contacté, le ministère des affaires étrangères n’a pas souhaité préciser en quoi avait consisté ce dur labeur d’une journée.
L’affaire a fait grincer quelques dents au ministère des Affaires étrangères où l’heure est aux économies et où les réformes des retraites s’accumulent. Certains agents du quai ne nous ont pas caché leur surprise : « le quai est saigné à blanc depuis des années. On ferme des ambassades, des consulats, on a du mal à débloquer 200 euros pour un chauffeur au Niger. C’est légal mais Villepin est un cas unique. Quelqu’un l’a sans doute alerté qu’il y’avait là un jackpot à se faire et il en a profité trois mois avant l’échéance. L’artifice est un peu gros. ».
Autre fait surprenant, par le biais de son porte-parole, Laurent Fabius assure qu’il n’a pas eu connaissance de cette « manne » versée à son prédécesseur. Or le décret prévoit que « l’admission au bénéfice du dispositif de fin d’activité est prononcée par arrêté du ministre des affaires étrangères. »
Ni vu, ni connu, mais grassement payé quand même.