Le quotidien de gauche est à son niveau le plus bas depuis sa création il y a 40 ans. Vendu en moyenne à 50 000 exemplaires sur l’ensemble de l’Hexagone en 2016, Libération se situe désormais au même niveau de diffusion qu’un (gros) quotidien départemental.
Libération a vu sa diffusion payée baisser de 17 % l’année dernière et même de plus de 30 % sur les seules ventes en kiosques. Le journal fondé par Serge July en 1976 ne diffuse plus qu’à 20 000 exemplaires chez les marchands de journaux du territoire français. Si on ajoute les abonnements, eux aussi en recul, Libération plafonne à moins de 50 000 exemplaires. A ce chiffre s’agrègent, il est vrai, 25 000 exemplaires vendus aux réseaux parallèles, tels les compagnies aériennes et la SNCF. Ces circuits, avant tout destinés à mettre en avant gratuitement les journaux auprès des lecteurs VIP, sont coûteux. La conjonction de plusieurs paramètres explique le recul qui s’accélère. L’application SFR Presse lancée par l’opérateur téléphonique à l’été 2016 à destination de ses clients, a taillé à la hache les ventes papier. Et pour cause, les abonnés à SFR bénéficient pour un prix dérisoire de la lecture du quotidien. Les autres journaux du groupe détenu par Patrick Drahi, L’Express notamment, sont aussi proposés dans le package. La fameuse convergence entre les tuyaux et les contenus rédactionnels vantée par SFR s’est pour l’instant traduite par une baisse importante des recettes de Libération. Le titre peut toujours se consoler avec le bond réalisé par son lectorat numérique.
Autre élément d’explication : la baisse mécanique en 2016 des ventes, après les chiffres flatteurs de 2015 réalisés à la suite des attentats islamiques au Bataclan et au Stade de France. Enfin, le virage éditorial vers la gauche du PS, entamé depuis plusieurs mois sous la houlette de Laurent Joffrin et de Johan Hufnagel, a fait fuir le lectorat modéré de Libération. A l’image des ministres sociaux-démocrates qui passent dans le camp d’Emmanuel Macron, de nombreux aficionados de Libé achètent désormais Le Monde, notamment.
Dans ce contexte, SFR Médias songe logiquement à limiter les pertes du quotidien qui emploie encore 160 salariés, dont une centaine de journalistes. L’hypothèse d’un arrêt de l’édition imprimée après les élections présidentielles, ne serait plus taboue en interne. Le départ programmé du directeur général de Libération, Richard Karacian, semble s’inscrire dans cette volonté de réduire la voilure. Les difficultés ne semblent pourtant pas être une fatalité au sein des médias de gauche. Alors que son ancêtre Libération, symbole encore vivant de la génération post soixante-huitarde, touche le fond, Mediapart annonce 130 000 abonnements en 2016 et des profits atteignant presque deux millions d’euros.
Charles Mansel – Présent