Ce vendredi 26 février, la 41e Nuit des César célébrera un cru 2015 qui a battu des records de santé financière. Non pas grâce aux entrées, mais à l’argent public ! Avec 750 millions d’euros de subventions, le cinéma français se porte comme un charme. Les cachets de nos acteurs aussi. En cumulant, pour chacun, leurs trois derniers films, la seule part des aides publiques s’élève à 1,4 million d’euros pour Marion Cotillard, 2,7 pour Dany Boon, 3,2 pour Omar Sy ou encore 6,6 pour Gilles Lellouche, pour ne citer qu’eux.
À ce prix, on s’attendait à rêver un peu sur les grands écrans de France. Hélas, les paillettes et le glamour seront réservés aux VIP du théâtre du Châtelet. Pour les contribuables ? La grisaille d’une sélection triste à mourir, histoire de doubler la taxe financière d’une pénalité morale. Le cinéma hexagonal, obnubilé par des sujets sociétaux et antiracistes, se vautre désormais exclusivement dans le marasme social et l’affliction compassionnelle.
Dans les cités pour le meilleur film ? Une compilation déprimante et moralisatrice – excepté, peut-être, Marguerite et sa cantatrice fauve ! Fatima, qui fait des ménages pour payer les études de ses filles Souad et Nesrine. Dheepan, réfugié tamoul à l’exil déchirant. La Loi du marché, qui met en scène un quinquagénaire au chômage et son fils, infirme moteur cérébral. Mon roi, de Maïwenn, qui nous plonge dans l’univers des amours narcissiques. Mustang, qui retrace les tribulations de cinq sœurs orphelines élevées par leur grand-mère dans un village de la Turquie patriarcale qu’il s’agit de fuir. La Tête haute, qui relate la tourmente de Malony, adolescent placé dans des établissements – une histoire glauque n’ayant rien retenu de la poésie des Quatre Cents Coups. Enfin, Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, un récit d’amour sans frontière, mâtiné de crise identitaire – avec quelques scènes de nudité (dont la production française a le secret), histoire de désennuyer un peu.
Dans la catégorie des courts-métrages, la banlieue et la jeunesse désœuvrées sont à l’honneur avec Le Dernier des céfrans, Essaie de mourir jeune et Guy Moquet, ainsi que la prostitution avec La Contre-allée. L’image sale, la caméra au poing, les dialogues primaires, tout concourt à la morosité la plus sinistre. Les réalisateurs de courts-métrages, dont le budget est couvert jusqu’à 60 % par le denier public, ont compris qu’il y a thèmes lucratifs : en France, la ruée vers l’or passe par des scénarios de plomb.
Pour les films d’animation, même combat : Sous tes doigts revient sur le calvaire des boat-people ; quant au Repas dominical, il témoigne des affres d’un adolescent homosexuel dans une famille conformiste – se moquant, au passage, des franchouillards avinés du dimanche.
Dans la catégorie du meilleur film étranger, Taxi Téhéran de Jafar Panahi ou bien encore Le Fils de Saul, long-métrage hongrois sur l’extermination des Juifs, sont favoris.
On l’aura compris : on n’est pas là pour rire. Une semaine après l’attribution de l’Ours d’or de Berlin à Fuocoammare, tragi-documentaire sur les migrants en Méditerranée, le cinéma martèle son idéologie sociale, faisant du septième art la cinquième colonne du sans-frontiérisme. Pour la jet-set parisienne, il est toujours de bon ton d’accabler le peuple. Quant à Audrey Azoulay, le très cinéphile ministre de la Culture, elle viendra se faire adouber dans le sanctuaire politico-artistique, où le cynisme financier se drape toujours de compassion.
Face à une offre si culpabilisante, on comprend que les spectateurs se ruent sur Star Wars. En France, nos étoiles ne se font pas la guerre : elles s’autocongratulent tandis que les Français sont sommés d’aller pleurer sur la misère du monde.