On lui doit la flèche de Notre-Dame de Paris, le plafond bleu nuit de la Sainte-Chapelle, la galerie des Sonneurs située au sommet de la grande façade de la cathédrale Notre-Dame d’Amiens. Autant d’ajouts à des monuments phares de notre patrimoine qui firent en leur temps polémique. Eugène Viollet-le-Duc – né le 27 janvier 1814 à Paris – n’est pas un bâtisseur ni un créateur. Pourtant, rares sont les architectes qui ont laissé une empreinte aussi tenace et profonde sur notre patrimoine. En mars 1836, il entame un voyage de dix-huit mois en Italie pour mieux mesurer l’importance des constructions médiévales qui jalonnent ce pays. À son retour, il entre au Conseil des bâtiments civils et codifie progressivement les principes de restauration qui domineront le patrimoine français. Et il se lance dans la restauration de quelques-uns de nos plus beaux monuments.
Les cathédrales d’Auxerre, d’Amiens ou de Paris, les basiliques de Vézelay et de Saint-Denis, la cité de Carcassonne, le château d’Eu, les remparts d’Avignon portent durablement la trace de ses principes. Il ravive les couleurs, éclaire les fresques, ampute rarement, ajoute souvent et transforme souvent un mur que l’on croyait décati en une construction que l’on croirait achevée la veille.
Chef de file des architectes de l’Art nouveau
Ses idées révolutionnaires firent école et inspirèrent de nombreux architectes, au point de donner naissance au mouvement de l’Art nouveau. Ainsi, de manière souvent avouée, Hector Guimard, Antoni Gaudí ou le célèbre “starchitecte” Frank Lloyd Wright se sont revendiqués de leur devancier. Pourtant, au début du XXe siècle, le nom de Viollet-le-Duc devint synonyme des excès du romantisme. “Faire Viollet-le-Duc” est alors un jugement péjoratif, symbole d’une restauration arbitraire et traumatisante où les couleurs se chevauchent et trahissent parfois l’esprit de ce qu’avait voulu l’architecte concepteur du monument.
Un colloque organisé à Paris en 1979 pour le centième anniversaire de sa mort contribua à réhabiliter Eugène Viollet-le-Duc. Son modus operandi tient en une phrase : “Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné.” Cette citation contestée fut au centre du malentendu entre Viollet-le-Duc et les différentes écoles de restauration qui se succédèrent en France. La réhabilitation de la basilique Saint-Sernin à Toulouse eut en 1995-1996 pour principal but d’effacer les traces qu’avait laissées l’architecte afin de rendre le lieu saint à son état quasi originel.
Aujourd’hui, il est acquis que le patrimoine architectural dont il a eu la charge n’aurait sans doute pas traversé les siècles sans l’influence prépondérante de cet homme de l’ombre qui fut également un collaborateur de Prosper Mérimée, longtemps inspecteur général des Monuments historiques.