Le bruit qui a entouré les dernières élections régionales, ayant surtout porté sur le Front national, a occulté un fait qui touche d’abord « les Républicains » mais qui a une portée plus large : l’échec de Dominique Reynié, que ce parti avait désigné comme tête de liste dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et qui, avec 18,8 % au premier tour, a réalisé le plus mauvais score des Républicains en France.
Professeur à Sciences Po Paris et président de la Fondation pour l’innovation politique, Reynié avait consacré la première année de son mandat à la tête de cette fondation de droite (2005) à organiser un colloque en faveur du mariage des homosexuels, ce qui avait facilité son introduction sur les plateaux de télévision. Puis il avait pris parti pour la GPA, proposant seulement de l’encadrer. Il s’était aussi manifesté comme un fervent partisan de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Conscient que ces prises de position passées pouvaient constituer un handicap, il tenta, au cours de sa campagne, d’en corriger l’effet désastreux et plaça quelques militants de la Manif pour tous sur sa liste, mais cela ne suffit pas : il ne se remit jamais du premier mouvement négatif que sa désignation avait suscité dans l’électorat de droite. Sans doute la région en cause, où la gauche garde de fortes positions tandis que le FN grimpe, n’était-elle pas un terrain facile, mais dans aucune région les Républicains n’étaient tombés au-dessous de 20 %.
Nicolas Sarkozy devrait, après cette expérience, avoir compris que ses électeurs n’acceptent pas n’importe quel profil pour les représenter. Car ce n’est pas la première fois que la question du mariage homosexuel est fatale à des candidats de droite.
Fabienne Keller, sénatrice UMP mais qui avait voté pour la loi Taubira, désignée tête de liste aux élections municipales de Strasbourg, avait tout pour gagner, compte tenu du contexte. Elle a perdu.
Nathalie Kosciusko-Morizet, désignée tête de liste UMP aux élections municipales de Paris et qui s’était abstenue sur la loi Taubira, a perdu aussi. Bien entendu, peu de manifestants de la Manif pour tous ont voté au second tour pour sa rivale de gauche Anne Hidalgo, mais à quoi sert de voter pour un candidat quand on l’a dénigré pendant des mois ? Il est clair qu’il manquait quelque chose à la dynamique de cette candidate : il ne faut pas le chercher ailleurs que dans son abstention qui avait beaucoup choqué une partie de l’électorat de droite. Il est même probable que son avenir politique s’en trouve définitivement hypothéqué. Valérie Pécresse a évité cet écueil.
Aux dernières élections sénatoriales, le sénateur Jean-Pierre Michel (PS) n’a pas été réélu. Cet ancien magistrat, fondateur du Syndicat de la magistrature (celui du « mur des cons »), était, à la Haute Assemblée, un des plus ardents promoteurs du mariage homosexuel. Il fut d’une grossièreté particulière à l’égard de Frigide Barjot, n’admettant manifestement pas de débat courtois sur ce sujet. Les grands électeurs de ce département très rural, qui croyaient avoir affaire à un socialiste banal, furent informés du rôle que leur élu avait joué. Il est probable que cela n’est pas étranger à sa défaite.
Ainsi, scrutin après scrutin, les opposants au mariage homosexuel se font une place dans le paysage électoral et témoignent d’une vraie capacité de représailles à l’égard de ceux qui ont trahi leur camp pour suivre ce qu’ils croient être l’air du temps.
C’est dire que les élus de droite qui pensent que la manifestation que conduisit Frigide Barjot en 2012-2013 constitue une parenthèse dont les politiques sérieux ne doivent pas tenir compte se trompent. D’ailleurs, comment imaginer que l’opposition revenue au pouvoir puisse faire comme si le plus grand mouvement social de droite qui ait jamais été, et d’une droite proche de l’UMP, n’avait jamais eu lieu ?