Il ne faut pas parler politique dans les repas de famille, c’est bien connu ! Ni avec ses amis. Ça dégénère vite, surtout si vous parlez de Macron. Éprouvez-vous de la sympathie pour Marine Le Pen ou Marion Maréchal ? Pas d’inquiétude ! Vous pouvez sans problème discuter avec un sympathisant de Nicolas Dupont-Aignan ou, à la rigueur, un membre des Républicains (s’il n’a pas déjà vendu son âme, c’est bon signe). Mais avec un adepte pur jus de notre Président, c’est une autre paire de manches.
La République en marche vient de publier en ligne un guide actualisé pour aider ses adhérents à défendre la politique du gouvernement : « Cet outil, évolutif et participatif, a été élaboré pour [vous] accompagner dans [vos] échanges avec [vos] amis, [vos] familles, [vos] voisins, [vos] collègues… bref, [vos] concitoyens », précise le préambule. Une sorte de « pense-bête » ou de béquille. On y trouve des « réponses concrètes » aux réflexions dérangeantes, du genre « Macron, Président des riches » ou « L’Europe, rien ne marche », ou encore des démentis aux « fake news » les plus répandues.
Si quelqu’un ose prétendre que « les impôts ne baissent que pour les riches », la fiche correspondante répond catégoriquement qu’« en 2019, les impôts baissent fortement pour les classes moyennes : en tout, c’est plus de 10 milliards d’euros d’impôts en moins. C’est 3 fois plus que ce que coûte la transformation de l’ISF ! » Il n’est pas certain que tous les Français qui croyaient appartenir aux classes moyennes se soient aperçus des bienfaits de la politique fiscale du gouvernement.
Si notre sceptique n’est pas convaincu par cette démonstration irréfutable et relance le débat sur l’ISF : « Nous ne l’avons pas supprimé », explique le catéchisme jupitérien, « il a été transformé en impôt sur la fortune immobilière […] Ce n’est pas pour “faire un cadeau aux plus riches” mais bien pour relancer l’économie française et créer des emplois ! » Pourtant, à suivre l’actualité de l’économie, on ne remarque guère de trace tangible de nouveaux investissements, ni de décroissance sensible du chômage.
On sait déjà que les députés LREM apprennent des « éléments de langage » dans un argumentaire : il suffit de les entendre répéter, sur les plateaux de télévision, avec plus ou moins d’aisance selon leur éloquence, les mêmes propos, les mêmes idées, les mêmes petites phrases. À croire qu’ils sont incapables de penser par eux-mêmes ; ou, pour les plus intelligents – s’il en existe, égarés dans ce parti –, qu’ils ont volontairement renoncé à réfléchir. Il faut avoir le sens du sacrifice ou une mentalité de godillot pour accepter de répéter, comme un perroquet, des réponses aussi peu convaincantes.
Le fait même qu’un mouvement, soi-disant « progressiste » et novateur, soit contraint de recourir à un fichier de questions-réponses pour faire croire qu’il a une pensée montre, s’il en était besoin, combien il est mal en point. Macron et ses proches étaient persuadés qu’avec le dévoiement du centre et d’une partie de la droite, le rythme étourdissant des réformes, l’arrogance qui sied aux personnes imbues d’elles-mêmes – et l’appui de la finance –, c’était gagné d’avance. Mais les Français se sont réveillés. Alors, les macroniens se jettent sur leur kit de survie.
Après l’ivresse de la victoire, la gueule de bois. Macron a beau adopter la méthode Coué pour persuader les siens qu’il est le meilleur, les Français, qui ne sont pas si stupides qu’il le pense, ne se laissent plus prendre à son discours qui sonne faux. Ils le voient tel qu’il est – et cette image n’est pas flatteuse. Pas sûr qu’ils soient nombreux, finalement, à vouloir le défendre au repas de Noël.
Philippe Kerlouan – Boulevard Voltaire