Encore un livre sur la fameuse expédition, dira-t-on ? Trois réponses d’emblée : on ne s’en lasse pas ; il y en aura d’autres ; celui-ci est l’un des meilleurs.
On ne s’en lasse pas : reconnaître les parties septentrionales des rivages américain et asiatique ! C’est un des plus beaux projets de la marine française au XVIIIe siècle, conçu, mûri et suivi par Louis XVI, passionné de géographie. Suivre les deux frégates, La Boussole et L’Astrolabe, pendant deux ans et six mois, assister à toutes les péripéties de la mission, heureusement conduite au prix d’une vie très dure sur mer, très périlleuse à chaque abordage, c’est un des plus beaux récits de mer qui soit, jusqu’au jour où l’enchantement est rompu par la disparition corps et biens de l’expédition en plein Pacifique.
Il y aura d’autres livres. Depuis la découverte en 1828 des traces du naufrage par Dumont d’Urville sur le rivage de l’île de Vanikoro, dans l’archipel des Salomon, les recherches n’ont cessé de progresser. Elles se poursuivent aujourd’hui avec les techniques très poussées de l’exploration sous-marine, relayées par celles des laboratoires d’anthropologie, et permettent peu à peu de reconstituer les circonstances et d’analyser les restes, humains en particulier.
Une œuvre très bien documentée
Ce livre est l’un des meilleurs. Sur un sujet qui sollicite puissamment l’imagination, l’auteur choisit la rigueur et n’avance rien qu’il ne puisse documenter : la personnalité de Jean-François de Lapérouse, ses années d’apprentissage, sa maîtrise à bord ; la préparation de l’expédition ; choix des bateaux et de l’état-major scientifique (il ne manquait qu’un philosophe théoricien du bon sauvage, qui aurait pu tester son utopie à chaque nouveau rivage). Puis l’expédition elle-même, que l’on suit sur une carte, à partir du journal de Lapérouse expédié chaque fois que possible en France. Enfin la recherche et la découverte progressive des épaves. L’intérêt ne faiblit jamais, servi par une langue de belle qualité.
Au pied de l’échafaud Louis XVI aurait posé la question : « A-t-on des nouvelles de M. de Lapérouse ? » (Il y avait plus de sept ans que l’expédition était partie.) Historique ? Apocryphe ? Ce mot reste très vraisemblable. On ne peut l’oublier. Et bien le livre de Gérard Piouffre est une des plus dignes et pertinentes réponses qu’on puisse faire à cette poignante question.
Lapérouse : le voyage sans retour de Gérard Piouffre. La Librairie Vuibert, 236 pages, 19,90 euros.