Noël en Provence: gros souper et 13 desserts!

Par Isabel Orpy

Selon un très récent sondage, il n’est que 17% de Français qui associent Noël à une fête religieuse et chrétienne.

Pourtant…  Noël n’est que cela.

Ainsi en Provence…

Tout commence le 4 décembre, jour de la sainte Barbe.

Dans trois soucoupes, l’on fait germer du blé pour le gros souper. Cette tradition viendrait de l’époque romaine,  si la germination se fait bien et le blé est vert, la prochaine moisson sera abondante.

Un  gros souper  de 7 plats maigres…

C’est le diner traditionnel, lou gros soupa,  servi au soir du  24 décembre, avant de se rendre à la messe de minuit.

La table est  alors couverte de trois nappes blanches, de tailles décroissantes, trois pour symboliser la Trinité, avec trois bougies blanches et les trois soucoupes de blé mis à germer lors de la sainte  Barbe. L’on dresse toujours un couvert de plus, la place du pauvre, pour l’indigent qui pourrait passer par là…

Auparavant, il était une tradition devenue plus rare. Le plus âgé de la famille procédait au cacho fio (mettre le feu). Aidé du plus jeune, ils choisissaient la plus grosse bûche d’arbre fruitier parmi la provision de bois pour l’hiver et la tenant chacun à un bout, ils faisaient trois fois  le tour de la table, avant de la mettre dans la cheminée. Alors  l’aïeul l’arrosait d’un verre de vin cuit, en prononçant les paroles suivantes : « Allégresse, allégresse ! Mes beaux enfants, que Dieu nous réjouisse ! Avec Noël tout bien vient, Dieu nous fasse la grâce de voir l’an qui vient, Et, si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins. »

Puis, une fois la bûche  allumée,  l’on pouvait alors passer à table. Mais au premier coup de cloche de la messe de minuit, on éteignait la bûche, la recouvrait de cendres, on rallumait le feu le jour de Noël et la bûche devait se consumer lentement jusqu’au jour de l’An.

Ce gros souper se compose de sept plats maigres, en souvenir des sept douleurs de Marie. Il est servi avec treize petits pains et  treize  desserts représentant la Cène avec les douze apôtres et Jésus.

Les plats  diffèrent d’un coin de Provence à l’autre, cependant, on y retrouve souvent carde et céleri, choux-fleur, épinards et morue, omelette, escargots, soupe à l’ail, toutefois, jamais de viande, uniquement des poissons et des coquillages.

Et c’est au retour de la messe de minuit qu’avec du vin cuit,  l’on déguste enfin ces fameux treize desserts !

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13 desserts en Cène !

Le célèbre félibre, Frédéric Mistral, décrit les treize desserts comme “uno sequèlo de privadié requisto” (une quantité de friandises exquises). Il se dit aussi qu’autrefois, ils n’étaient composés que de douze pains et d’une grosse miche marquée d’une croix. Quelle que soit l’origine de cette tradition, ils symbolisent la Cène, Jésus entouré de ses douze apôtres et d’autres, celui de quatre ordres religieux mendiants que sont les noisettes ou noix (symbole des Augustins), les figues sèches (symbole des Franciscains), les amandes (symbole des Carmes), les raisins secs (symbole des Dominicains).

A cette table, ne manque jamais une pompe à l’huile, sorte de fougasse pétrie à de l’huile d’olive, avec du sucre  et de l’eau de fleur d’oranger ou du gibassié, craquelin à pâte sablé, parfumé à l’anis. En souvenir du pain rompu par le Christ, en signe de partage et de communion entre les convives, il est coutume de rompre aussi la pompe…

Il est toujours une assiette de dattes, à laquelle est  liée une bien jolie croyance puisque l’on raconte que, lors de leur fuite en Egypte, Marie, Joseph et l’enfant s’arrêtèrent sous un palmier dattier et lorsque Jésus, levant les yeux, aperçut les fruits sur l’arbre, il s’écria « Oh » et il se dit que c’est pour cette raison qu’il y a toujours un O gravé sur les noyaux des dattes.

Le nougat blanc représentant le bien et le nougat noir symbolisant le mal sont aussi toujours du gros souper, escortés de pommes, poires, melon vert, raisins, mandarines, fruits confits, pâte de coing, calissons, oreillettes, etc., selon les goûts et traditions familiales ou locales.

Tout est religieux et pieux dans cette célébration des treize desserts comme dans nombre de traditions de Noël provençales et de nos régions.

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