Le thème 2017 de la Journée internationale est « Ne laisser personne de côté : mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles ».
« Ne laisser personne de côté » est en effet essentiel dans un contexte où de nouvelles formes de violences à l’égard des femmes sont en plein essor. Il en est ainsi de la pratique des mères porteuses, ou gestation pour autrui (GPA), qui est une aliénation de la femme et de l’enfant. Les générations à venir pourraient bien condamner vivement notre absence d’actions de lutte contre cette pratique, voire notre hypocrisie et, dans les faits, notre tolérance.
Certes, grâce au travail pédagogique en cours depuis quelques années partout dans le monde, la tendance actuelle est à la limitation de la pratique des mères porteuses, ou gestation pour autrui (GPA). Face à la répétition des scandales – découverte d’usines à bébés, femmes maltraitées, enfants refusés par les « parents » d’intention… –, des pays qui furent des eldorados de la GPA ont fait le choix de poser des limites. C’est le cas par exemple de l’Inde, du Népal, du Cambodge, de la Thaïlande. D’autres, comme le Laos, prennent aujourd’hui le même chemin.
En Europe occidentale, et notamment en France, la revendication d’une légalisation de la GPA est désormais rarissime. La GPA est vue à juste titre par la grande majorité comme une aliénation de la femme et une pratique qui fait de l’enfant l’objet d’un contrat.
Cependant, certains proposent d’encadrer la GPA afin de l’autoriser tout en évitant ses dérives. Il en est ainsi de la Conférence de La Haye, par exemple, qui travaille depuis deux ans sur l’élaboration d’un cadre de droit international privé.
Qu’appelle-t-on « dérive » en matière de GPA ? L’encadrement évite-t-il ces dérives ? Réduit-il le nombre de cas ? Les femmes sont-elles mieux traitées ? Les enfants sont-ils davantage protégés ?… C’est ce que La Manif Pour Tous a voulu savoir, très concrètement, en enquêtant dans l’un des pays concernés : la Thaïlande.
Ebranlé par des scandales de GPA qui ont ému le monde entier, ce pays a voté en 2015 une loi d’encadrement pour la GPA. La Thaïlande est ainsi passé d’un contexte où aucune loi n’existait – ni interdiction, ni autorisation – à une autorisation légale soumise à des conditions précises, dont le respect est vérifié par un comité d’éthique.
Quelles sont les limites imposées par cette loi ? Deux ans plus tard, cet encadrement a-t-il réduit le nombre de recours à des mères porteuses ? Evite-t-il les dérives ? Protège-t-il la dignité des femmes et des enfants ?…
La Manif Pour Tous s’est rendu sur place et a rencontré des personnalités publiques thaïlandaises à l’origine de cette loi d’encadrement, des responsables d’ONG locales, des responsables en Thaïlande du programme des Nations Unies contre le trafic de personnes, ainsi que des représentants d’agences de GPA proposant leurs services en Asie du Sud-Est.
Le documentaire « GPA, avec les meilleures intentions », d’une durée de 20 minutes, présente cette enquête. Il rappelle les différentes positions exprimées dans le débat public, indique les faits et les questions soulevées et donnent la parole aux divers intervenants du monde de la GPA en Thaïlande.
La conclusion s’impose malheureusement très clairement. L’encadrement d’une pratique telle que la GPA revient à en accepter le principe : en l’occurrence considérer qu’une femme peut porter en son sein un enfant pendant 9 mois, lui donner la vie en accouchant et le céder à un tiers. Quelle qu’en soit la justification, la GPA est en elle-même scandaleuse puisqu’elle implique nécessairement, et volontairement, de priver un enfant de sa mère. C’est pourquoi, en acceptant le principe même de la GPA, on accepte son corollaire : asservir la femme et réduire l’enfant à une marchandise.
« Après avoir vu les cliniques où des femmes sont cantonnées pendant 9 mois, rencontré les agences qui organisent le business de la GPA, recueilli les témoignages poignants des ONG humanitaires mobilisées sur le terrain pour lutter contre ce trafic humain, il apparaît que l’abolition universelle est bien la seule solution pour mettre un terme à ce scandale. Nous allons relancer Emmanuel Macron qui, comme François Hollande, s’est engagé à lancer une initiative internationale contre la GPA. Cette Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes est le moment de rappeler le Président à ses engagements car la dignité des femmes et des enfants n’a pas de frontières »résume Ludovine de La Rochère, Présidente de La Manif Pour Tous.
Personnalités interviewées dans le documentaire
- Khun Sappasit Kumprabhan
Ancien directeur du Centre de protection du droit des enfants. A participé à l’élaboration du texte de la loi thaïlandaise d’encadrement de la GPA
- Kamthron Pruksananonda
Gynécologue obstétricien, directeur du département gynécologique à l’hôpital Chulalongkorn. A participé à l’élaboration du texte de la loi thaïlandaise d’encadrement de la GPA
- Junger Thomas
Directeur de l’association Alliance Anti Trafic à Bangkok. Association spécialisée dans l’accompagnement des victimes d’exploitation et de trafics.
- Josh
Directeur commercial de l’agence New Genetic Global, agence de GPA opérant en Thaïlande et au Laos
- Gaurav
Fondateur et président de Bangkok Surrogacy Center, agence de GPA opérant en Thaïlande, Inde, Kenya, Etats-Unis…
La GPA, ce qu’en disent…
Emmanuel Macron : « Je suis très sensible au respect de la filiation. C’est aussi pour ça que je suis contre la GPA. J’ai une conception de la dignité du corps de la femme. Cette conception philosophique ne permet pas qu’on puisse porter un enfant pendant neuf mois pour le compte d’un autre. »
TF1, 15 octobre 2017
Edouard Philippe : « Nous nous opposerons résolument à la PMA pour les couples homosexuels féminins, et à la GPA qui, au nom de l’égalité, ne manquera pas d’être réclamée par la suite. »
Tribune co-signée avec Nathalie Kosciusko-Morizet, HuffingtonPost, 10 février 2013
Manuel Valls : « La GPA est, il faut le dire, une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes (…) Il faut rappeler la responsabilité de tous les États dans la lutte contre la commercialisation des êtres humains. (…) Je comprends et je partage la volonté d’empêcher absolument le recours à ce mode de procréation. »
La Croix, 3 octobre 2014
Jean-Luc Mélenchon : « La GPA fait de la femme un outil de production (…) Je suis prêt à changer d’avis le jour où l’on me présentera une milliardaire qui par amour d’une femme pauvre d’un bidonville acceptera de porter son enfant. »
Journal du dimanche, 22 janvier 2017
Sylviane Agacinski : « Demander à des femmes de louer leur corps, le temps d’une grossesse, et d’accoucher d’un enfant qu’elles devront abandonner à d’autres dès sa naissance, c’est faire de leur vie un instrument de production. (…) Le scandale, c’est que certains États tolèrent ou légalisent de tels marchés et que la Cour européenne des droits de l’homme ferme les yeux sur cette commercialisation de la personne humaine, celle de la femme comme celle de l’enfant.
L’adjectif «éthique» sert souvent, hélas, à signifier qu’on veut limiter les dégâts d’une pratique injuste. Si une pratique sociale est contraire aux droits humains, elle ne peut pas être éthique. C’est comme si on disait: on peut accepter un esclavage éthique. Je crois profondément à la fonction civilisatrice du droit. »
Le Figaro, 10 janvier 2017
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) fait part de son « extrême inquiétude [quant à] l’expansion rapide du marché international des GPA, sous la pression d’agences à but commercial et de groupes de pression attachés à présenter et mettre en valeur dans les média des images positives de ce marché (…) La personne humaine, ici celle de l’enfant, ne peut pas être l’objet ‶d’actes de disposition″, que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit.»
Le CCNE « reste attaché aux principes qui justifient la prohibition de la GPA, principes invoqués par le législateur : respect de la personne humaine, refus de l’exploitation de la femme, refus de la réification de l’enfant, indisponibilité du corps humain et de la personne humaine. (…) Il ne peut donc y avoir de GPA éthique. »
Le CCNE « souhaite le maintien et le renforcement de sa prohibition, quelles que soient les motivations, médicales ou sociétales, des demandeurs » et « l’élaboration d’une convention internationale pour l’interdiction de la GPA. »
Rapport n°126, 29 juin 2017
Le Parlement européen « condamne la pratique de la gestation pour autrui qui va à l’encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises ; estime que cette pratique, par laquelle les fonctions reproductives et le corps des femmes, notamment des femmes vulnérables dans les pays en développement, sont exploités à des fins financières ou pour d’autres gains, doit être interdite et qu’elle doit être examinée en priorité dans le cadre des instruments de défense des droits de l’homme ».
Rapport annuel sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et sur la politique de l’Union européenne, décembre 2015
Convention relative aux droits de l’enfant, article 35 : « La vente ou la traite d’enfants sont interdites à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ».
Convention de La Haye, article 1 « La Convention a notamment pour objet d’établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant (…) et prévenir ainsi l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants »
Convention relative à l’esclavage, article 1 : « L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ».
La pratique des mères porteuses ou
gestation pour autrui (GPA)
La gestation pour autrui (GPA) est un contrat en vue de la conception, de la gestation, de l’abandon et de la remise d’un enfant par une femme à un ou plusieurs commanditaires. Qu’elle soit source de profit commercial, ou encore un arrangement entre personnes, cette pratique exploite des femmes et bafoue les droits les plus élémentaires des enfants.
La GPA et les femmes
Pour s’assurer que l’enfant sera conforme aux souhaits des commanditaires, les mères pourvoyeuses d’ovocytes et les mères porteuses sont sélectionnées à l’issue d’un processus extrêmement intrusif. La mère est étroitement surveillée pendant la grossesse ; ceci peut être fait par différents moyens, et parfois coercitive. Aux Etats-Unis par exemple, les clauses de contrat envisagent en détail ce que la mère peut faire ou manger pendant sa grossesse et ce dont elle doit s’abstenir – notamment de toutes relations sexuelles avec son conjoint -, à un point qui peut devenir très contraignant. Dans de nombreux pays, une agence intermédiaire exerce un contrôle régulier, parfois avec des visites quotidiennes, et le suivi psychologique peut devenir aussi un moyen de surveillance. La GPA restreint la liberté des femmes : elle constitue une aliénation.
Ce sont systématiquement des femmes pauvres, déjà mères de famille, qui sont utilisées pour leurs capacités reproductives au profit de riches commanditaires. Elles ont l’obligation de porter l’enfant et de l’abandonner à sa naissance, contre une somme d’argent ou une indemnité (selon les pays). Après l’accouchement, elles sont éventuellement effacées de la filiation de l’enfant. Une ONG indienne a aussi montré récemment que des jeunes filles de 13 ans seulement sont exploitées comme mères porteuses.
La GPA donne lieu à des contentieux inextricables. Parmi les causes de litige, le changement d’avis de la mère porteuse, ou des commanditaires lorsque le couple se sépare pendant la grossesse, s’il y a des jumeaux non souhaités ou tout autre motif. De nombreuses questions se posent aussi si un handicap est décelé à l’échographie et si les commanditaires souhaitent que la mère porteuse avorte ou au contraire, si elle souhaite avorter en raison d’un risque pour sa santé. Une autre cause de litige peut être la mort de l’enfant avant ou après la naissance qui aura une influence sur l’exécution du contrat de GPA (dans ce cas, la mère porteuse n’est généralement pas rémunérée).
La mère porteuse est considérée comme une simple incubatrice de l’enfant qu’elle attend, qu’elle doit abandonner à la naissance pour le remettre au(x) commanditaire(s). Cela va à l’encontre de toutes les études conduites depuis plusieurs décennies qui montrent l’importance des liens physiologiques et psychiques créés entre la mère et l’enfant pendant la grossesse, ainsi que l’influence de la grossesse sur la mère (microchimérisme fœtal notamment) comme sur l’enfant.
La GPA et les enfants
La GPA éclate la filiation de l’enfant. La filiation des enfants est volontairement éclatée entre les fournisseurs de gamètes, la mère porteuse et le ou les commanditaires suivant les cas. Ainsi, un enfant peut avoir jusqu’à 6 parents : la mère génétique pourvoyeuse d’ovocyte), le père génétique (donneur de sperme), la mère porteuse, son mari (présomption de paternité) et enfin le couple commanditaire. Or, cela est contraire au droit de l’enfant de connaitre et de vivre avec sa mère et son père (Art. 7 de la Convention relative aux droits des enfants).
La GPA transforme l’enfant en objet de vente ou d’échange. L’enfant est objet d’un contrat, dont les prix varient de 25 000 à plus de 100 000 dollars. Les parties au contrat s’arrogent un droit de propriété sur l’enfant. Les réseaux plus ou moins mafieux de vente d’enfants ne sont pas réservés aux pays en voie de développement. En 2011 aux États-Unis, un réseau de vente d’enfants a ainsi été démantelé. Il était organisé par des avocats qui prétendaient que les enfants concernés avaient été conçus pour des commanditaires qui s’étaient ensuite désistés. Ces enfants étaient vendus 100 000 dollars. Et même s’il n’y avait pas de gains financiers en jeu, les conséquences, notamment psychologiques, sont inévitables pour les intéressés. On ne peut ignorer non plus les conséquences de telles transactions sur les autres enfants de la mère porteuse.
Encadrer la GPA
L’exemple de la Grande-Bretagne est significatif : la gestation pour autrui a été légalisée depuis 1985, sans contrepartie financière commerciale. Cela n’a absolument pas empêché de nombreuses dérives dans la pratique. La difficulté de trouver des femmes acceptant de porter un enfant pour autrui sans rémunération, mais seulement contre dédommagement, peuvent conduire à des pressions affectives intrafamiliales ou amicales. Le recours aux membres de la famille s’explique par l’interdiction légale de faire de la publicité pour la GPA. En 2014, une femme de 46 ans a accepté de porter l’enfant de son propre fils célibataire de 27 ans, et cela a été accepté par la justice britannique. Cette affaire a suscité une forte controverse sur le fait qu’une mère puisse accepter de donner naissance à l’enfant de son propre fils. C’est l’interdit de l’inceste qui est remis en cause.
Surtout, une enquête conduite en 2011 et publiée par le Sunday Telegraph en 2012 a révélé que 100 GPA avaient été réalisées en Grande- Bretagne en 2011, et que sur la même année 1.000 GPA avaient été commanditées en Inde par des clients britanniques, ce qui représentait la moitié des GPA effectuées dans ce pays.
La GPA « encadrée » ou prétendument « éthique » accrédite l’idée que la GPA peut être acceptable. En outre, elle suscite d’autant plus de recours à la GPA commerciale, les possibilités « gratuites » étant insuffisantes.
Comparatif international
La gestation pour autrui est spécifiquement interdite en Allemagne, Australie, Autriche, Espagne, Estonie, Finlande, France, Islande, Italie, Moldavie, Monténégro, Serbie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie.
Elle est autorisée sous conditions en Afrique du Sud, Angleterre, Albanie, Cambodge, Géorgie, Grèce, Israël, Inde, Népal, Pays-Bas, Roumanie, Russie, Ukraine, Thaïlande, certains Etats des Etats-Unis.
Dans nombre de pays, elle n’est ni interdite ni légale, comme en Belgique ou en Pologne.
Le cas échéant, l’encadrement de la GPA est très différent d’un pays à l’autre. Parfois, la GPA est commerciale, c’est-à-dire rémunérée, parfois « altruiste », auquel cas une indemnisation et les remboursements des frais de grossesse sont généralement autorisés. Ainsi, en Angleterre la mère porteuse reçoit entre 10 000 et 15 000 livres, en Grèce, 10 000 euros, dans les Etats des Etats-Unis où elle est autorisée, entre 15 000 et 25 000 dollars. Dans certains Etats, comme le Royaume-Uni, les mères porteuses confirment leur décision de remettre l’enfant aux parents d’intention après la naissance. Dans d’autres Etats, comme la Grèce ou les Etats-Unis, «l’autorisation préalable » interdit à la mère porteuse, dès avant la conception, de garder l’enfant.
La GPA est un marché en pleine expansion : des centaines de cliniques, d’agences et des jeunes filles proposent leurs services en la matière. Le chiffre d’affaires annuel du marché de la reproduction, estimé en Inde à 400 millions de dollars en 2011, serait désormais de 2 milliards de dollars en Inde et d’environ 3 milliards de dollars aux Etats-Unis.
LA GPA en France
1/ La GPA est expressément interdite depuis la loi de bioéthique du 29 juillet 1994
- Selon l’article 16-7 du Code civil : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». L’article 16-9 précise qu’il s’agit d’une disposition « d’ordre public », c’est-à-dire qui s’impose à tous sans exception, même si l’acte a été accompli à l’étranger.
- Cette interdiction est sanctionnée d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 €, selon l’article 227-12 du Code pénal, §2.
- La GPA est interdite en France au nom des principes de l’indisponibilité du corps humain, de la volonté d’empêcher l’exploitation des femmes démunies et de l’incertitude qui pèse sur leurs conséquences sanitaires et psychologiques pour l’enfant à naitre et la femme qui l’a porté. Résumé de façon plus directe : le ventre des femmes n’est pas à vendre ni à louer, et l’enfant n’est pas un objet que l’on peut acheter ou donner.
- Le Conseil d’Etat, dans son étude de mai 2009 pour la révision des lois de bioéthique, reprend l’ensemble des principes qui conduisent au maintien de l’interdiction. Il fait valoir que la GPA n’est pas sans danger pour la mère porteuse, et que le don d’un enfant à un autre couple « présente une forte probabilité d’être vécu par cet enfant comme un abandon ». La GPA « laisse place à l’idée que l’enfant à naître est, au moins pour partie, assimilable à un objet de transaction. En ce sens, sa légalisation consacrerait la notion de « droit à l’enfant », notion à laquelle le législateur de 1994 et 2004 s’est fermement opposé ».
- Trois autres rapport et avis se prononcent encore contre la légalisation (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en 2008 ; Rapport Léonetti, de 2010, AN, n° 2235). Le Comité national consultatif d’éthique s’est prononcé dans un avis du 1er avril 2010 contre la légalisation.
- La loi de bioéthique de 2011 maintient l’interdiction
2/ L’administration et la justice
En application du Code civil, l’administration est censée refuser d’inscrire à l’état civil français un enfant né de GPA à l’étranger.
Lorsque ces décisions ont été contestées en justice par certains parents, la plus haute autorité judicaire – la Cour de cassation – a maintenu une jurisprudence constante : la convention de GPA (le contrat entre les parents d’intention et la mère porteuse), « fut-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public », comme le rappelle encore deux arrêts du 13 septembre 2013 concernant des enfants nés en Inde. En conséquence, « devant un tel processus frauduleux (…), l’acte de naissance de l’enfant ne peut pas être transcrit sur les registres de l’état civil français ». Un autre arrêt du 19 mars 2014 confirme une fois de plus cette position.
3/ Des décisions récentes fragilisent l’interdiction :
- La « Circulaire Taubira » du 25 janvier 2013 vise à faciliter la délivrance de certificats de nationalité française pour les enfants nés par GPA à l’étranger.
– Cette circulaire, dont la légalité, depuis, a été validée par le Conseil d’Etat, ne concerne pas l’inscription à l’état civil français, formalité importante qui permet de faire figurer un enfant sur le livret de famille des parents. Elle concerne seulement la délivrance de certificats de nationalité française (CNF), qui permet d’obtenir une carte d’identité ou un passeport.
– Dans ce texte, la ministre de la Justice demande que le CNF soit délivré sans difficulté puisque le père de l’enfant est de nationalité française, même s’il y a un soupçon réel de convention de GPA avec une mère porteuse à l’étranger.
– A l’époque, Mme Taubira expliquait que ce problème concernait peu d’enfants , mais qu’il fallait régulariser la situation de ces enfants « fantômes de la République ». En réalité, ces enfants ont la nationalité de leur pays de naissance et peuvent vivre en France comme toute personne étrangère légalement établie sur notre territoire : ils ont accès à l’école, à la Sécurité sociale, aux activités diverses organisées pour les enfants de leur lieu de vie, etc. De plus, en vertu de l’article 21-12 du Code civil, « l’enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française peut réclamer la nationalité française ».
– Publiée en plein débat parlementaire sur le mariage des personnes de même sexe, la circulaire a été immédiatement et fortement critiquée. Elle a fait l’objet de plusieurs recours (y compris par un syndicat de magistrats : FO Magistrats) pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat, au motif qu’elle facilitait et donc encourageait le recours à un dispositif interdit en France, puisqu’elle demandait en réalité aux greffiers de « fermer les yeux » et d’accorder aussitôt la nationalité française aux enfants nés de GPA à l’étranger.
- L’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du 26 juin 2014 – suivis d’autres identiques – demande à l’Etat français, sur la base d’une filiation biologique, de transcrire les actes d’état civil établis à l’étranger d’enfants nés par GPA
– La CEDH est la Cour de justice qui dépend du Conseil de l’Europe (47 pays membres, 800 millions d’habitants) à Strasbourg. Elle avait été saisie par deux couples – Mennesson et Labassée – qui contestaient le refus par les tribunaux français de reconnaître la filiation de leurs enfants nés aux Etats-Unis par GPA.
– Dans cet arrêt, la CEDH considère qu’ « interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques, nés d’une GPA à l’étranger, est contraire au droit des enfants au respect de leur vie privée » (cf. article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme). Elle demande donc à la France de modifier sa législation pour reconnaitre la filiation, et donc l’état civil, de ces enfants. Mais elle ne demande pas à la France, en tant que telle, la légalisation de la GPA (qui relève de son pouvoir d’appréciation légitime).
– Cette décision repose cependant sur une contradiction majeure : la CEDH considère acceptable de rompre, voire effacer, le lien biologique avec la mère (la mère génétique et/ou la mère gestatrice), mais invoque la nécessité de reconnaître ce même lien biologique avec le père, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant : « Au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature ».
– Le Premier ministre Manuel Valls a affirmé, dans une interview au quotidien La Croix le 2 octobre 2014, que le gouvernement excluait totalement « d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers, car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA ».
A ce sujet, comme le CCNE a encore rappelé en 2017, la transcription de l’acte d’état civil étranger n’est pas obligatoire mais facultative, en vertu de l’article 509 de l’Instruction générale de l’état civil. Les parents d’intention pourraient ainsi très bien présenter seulement l’état civil étranger lorsqu’ils effectuent divers actes de la vie quotidienne.
– L’Etat français n’a cependant pas voulu faire appel de cette décision prise au niveau d’une Chambre de la Cour, alors qu’il avait trois mois pour porter l’affaire devant la « Grande Chambre » de la CEDH, l’instance supérieure la plus solennelle. Ce refus a été maintenu malgré l’appel pressant lancé par Lionel Jospin et Jacques Delors, tribune co-signée par 60 personnalités politiques et de nombreuses associations le 14 juillet 2014, et malgré plusieurs pétitions massives.
La France n’a pas fait non plus appel des arrêts suivants de la CEDH allant dans le même sens que celui de juin 2014.
- La cour de cassation, le 5 juillet 2017, acte la possibilité de l’adoption de l’enfant par le conjoint du père biologique.
De son côté, le CCNE a de nouveau rappelé son choix de la délégation d’autorité parentale en faveur du parent d’intention n’ayant pas de lien biologique avec l’enfant parce qu’elle respecte la réalité des conditions de sa naissance.
D’une manière générale, ces mesures successives et ces non-appels d’arrêts successifs de la CEDH retirent à l’Etat les moyens de lutter contre la GPA et reviennent à tolérer, de facto, la GPA, c’est-à-dire l’aliénation de la femme et de l’enfant.