Après une longue période de dénégation, les autorités saoudiennes avaient fini par admettre que Jamal Kashoggi avait été tué le 2 octobre dans les locaux de leur consulat à Istanbul. Mais, plutôt que de reconnaître un assassinat sciemment organisé, l’Arabie saoudite assurait que le journaliste était mort des coups reçus durant une bagarre ayant éclaté lors d’un interrogatoire. Par ailleurs, le royaume jurait ne pas savoir où se trouvait le corps de la victime. Il semble que ce mystère se dissipe désormais et que la version saoudienne soit à présent intenable. En effet, selon Sky News ce mardi, les enquêteurs turcs ont découvert des parties du corps de Jamal Kashoggi dans les jardins du consul général saoudien.
Le média britannique dit se fonder sur deux sources différentes, l’une liée à l’enquête, l’autre très bien placée dans les cercles politiques et en relation avec l’instruction judiciaire. Les deux ont confirmé la découverte, et la seconde a précisé la localisation de celle-ci. Et il est bien question des jardins de la résidence personnelle du consul général saoudien, Mohamed al-Otaibi, et non du consulat stricto sensu, distant de 500 mètres. Les restes du reporter attestent qu’il a été démembré et que son visage a été défiguré. Les policiers scientifiques avaient auparavant prélevé des échantillons de terre des jardins du consul général.
Le régime des Saoud n’a pas encore réagi à ces révélations qui sapent ses dernières positions. Pour autant, il essaye de donner des gages. Le gouvernement a ainsi déclaré dans un communiqué ce mardi que toutes les personnes impliquées dans le meurtre du journaliste devraient “rendre des comptes peu importe qui elles sont”. Le même jour, le roi Salmane, et son fils, Mohamed Ben Salmane, ont reçu dans le palais royal de Riyad Salah et Sahel Kashoggi, respectivement fils et frère du défunt, pour leur présenter leurs condoléances.
Qui est Mohammed ben Salman, qui bouscule l’Arabie Saoudite et séduit les Occidentaux ? Un visionnaire, un réformiste ou un opportuniste brutal ? À 32 ans, Mohammed ben Salman, dit MBS, est le prince héritier d’Arabie Saoudite. Il est le premier petit-fils d’Ibn al-Saoud – le fondateur du royaume qui porte son nom – à accéder au pouvoir. Richissime descendant d’une dynastie féodale, il veut transformer son pays en profondeur en réduisant sa dépendance au pétrole, en mettant les Saoudiens au travail et en accordant aux femmes le droit de conduire.
Mais derrière cette façade progressiste, le mystère et les contradictions demeurent. MBS gouverne l’une des sociétés les plus oppressives de la planète, où la liberté de penser et l’espace public se réduisent de jour en jour. Obsédé par la menace iranienne, prêt à se rapprocher d’Israël par l’entremise de Washington, il mène depuis 2015 une guerre sans fin au Yémen, où sévit l’une des plus graves crises humanitaires contemporaines.
Le roi, son père, a 82 ans. S’il lui succède comme prévu, Mohammed ben Salman pourrait régner un demi-siècle. Où va-t-il conduire cette Arabie aux réserves pétrolières illimitées, au pouvoir militaire et économique immense et au rôle politique croissant dans un Moyen-Orient en plein chaos ? À la tête de la plus grande puissance sunnite du monde arabe, pourra-t-il purger l’islam du terrorisme ?