Quand les murs parlent…

Rames de métros, trains de banlieue, palissades en tous genres, murs de Paris comme de la province : partout s’imposent « tags » et graffitis. Ils font désormais partie du paysage urbain. Il fut un temps où leurs auteurs – jusqu’au début des années 2000 – étaient systématiquement poursuivis pour dégradation des voies publiques ou de matériel dès qu’il y avait interpellation. En 2004, la SNCF et la RATP s’en prirent même à des revues vantant ce type d’actions, compte tenu du coût que nécessite le nettoyage des wagons. Les deux entreprises furent déboutées. Logique ! Car entre-temps, le graffiti, encensé par les médias d’influence, était de venu le « graff » (et son auteur un « graffeur ») et le vandale un acteur de ce qui fut déclaré « art populaire par excellence ». Et ce d’autant plus qu’il tire son expression de masse des banlieues ethniques.

                                                                              Pochoir Drieu La Rochelle, non loin de l’avenue de Breteuil où il habita.

 

 

 

Dans la foulée, l’université de Vincennes se devait d’assurer un enseignement à l’étude des « tags » avec l’approbation de Jack Lang, ancien ministre de la Culture fort intéressé par « cet art brut de nos cités » (une réflexion dans la lignée d’un autre ministre de la Culture, François Léotard, qui souhaitait une France de « cinquante millions de créateurs »). A ce titre, le graffiti s’est bien vite « boboïsé », délaissant la rue pour les galeries d’art, même si pour beaucoup d’intellectuels et d’artistes « branchés » les « œuvres sauvages » gardent un « supplément d’âme » ; peu important que les multiples genres de « tags » dénaturent chaque jour un peu plus le paysage quotidien des Français.

Pochoir Codreanu, capitaine de la Garde de fer roumaine.

Pochoirs à part

Dans cette nébuleuse de ce qui est devenu le street art, il convient de faire une place particulière à ceux qui utilisent comme moyen d’expression le pochoir. Avec son emploi, la composition se veut plus expressive, plus réaliste, mais demeure marquée le plus souvent par le gigantisme (on a pu voir, lors de son élection, des portraits d’Obama grandeur nature) et le déracinement (festival Kosmopolite consacré au graffiti). Dans cette spécialité, certains se sont fait des noms comme Miss-Tic, qualifiée par la presse de « princesse du graffiti », Jef Aérosol, un pionnier en la matière, ou Thomas Vuille, qui aime à reproduire ses énormes chats jaunes sur les murs parisiens.

L’art du pochoir ? Soit. Relevons en tout cas que cette discipline peut révéler quelques rares et agréables surprises. Est-ce aller trop loin d’affirmer que, pour être discrète, il existe une « école du pochoir nationaliste » ? Cette remarque a fini par s’imposer à l’auteur de ces lignes qui a, pendant des années, parcouru d’un regard attentif les rues de la capitale et de ses environs.

                                                                                 Pochoir José Antonio Primo de Rivera, hommage au fondateur de la Phalange.

 

 

 

Il y a tout d’abord les « pochoirs slogan ». Leur but est de faire passer un message ou une information. L’éditeur et journaliste Jean-Gilles Malliarakis en avait prédit le développement dès les années 80. Respectueux de l’environnement urbain, ils délaissent les murs pour s’inscrire sur le bitume des trottoirs. Ont ainsi fleuri lors des périodes « Manif pour tous » : « Pour la famille, tous dans la rue. » Les plus récents relèvent de la dernière élection présidentielle : « Complot des médias et de la finance pour élire Macron. Résistez !!! » (devant l’entrée de Radio France) ; « Macron : payé 2,4 millions d’euros par la banque Rothschild. Macrongate » (quartier Saint Lazare).

 

 

A thème ou à figure




                                                                              Pochoir samouraï, pour un bushidô français ?

 

 

L’autre intéressant phénomène est celui des pochoirs à thèmes ou à figures. Là, le gigantisme est exclu – leur dimension ne dépasse pas un avant-bras. Pas de signature non plus ; leurs auteurs ne briguent pas la célébrité auprès des médias. En revanche, la référence à l’enracinement, à l’histoire politique ou littéraire est une constante et le choix de leur lieu d’impression – quand l’intention en est discernable, ce qui n’est pas toujours le cas ! – est parfois des plus significatifs, comme nous l’avons constaté au fil des ans. Ainsi, a longtemps figuré sur le mur qui fait face à la maison d’Edouard Drumont du passage Landrieu (dans le VIIe arrondissement de Paris, au n° 3) un portrait du maréchal Pétain. Le portrait de Codreanu, le fondateur de la Garde de fer, est apparu non loin de l’ambassade de Roumanie. Celui de Drieu La Rochelle a voisiné à proximité de son appartement de l’avenue de Breteuil. Mentionnons encore ceux de Jose Antonio Primo de Rivera en tant que chef de la Phalange, ou de Louis-Ferdinand Céline, dont les admirateurs sont nombreux. A citer aussi un très réussi portrait de sainte Geneviève, la patronne de Paris, qui a du reste servi d’illustration à l’affiche appelant à la « Marche de la fierté parisienne. Hommage aux flambeaux » du 3 janvier 2010, avec départ sur le parvis de Notre-Dame.

 

 

Mystères…

 

 

                                                                                                                     Pochoir appel à l’identité européenne.

 

 

Mais tout n’est pas simple dans la géographie du pochoir nationaliste. Pourquoi ce centurion romain, glaive à la main, dans les premiers numéros de l’avenue Charles De Gaulle à Neuilly-sur-Seine ? Pourquoi ce samouraï, tout en haut de la sortie de la gare de Saint-Cloud ? Et quelle signification accorder à la représentation de ce qui semble être un militant partisan de la « vox Europa » ?

Quoi qu’il en soit, ces peintures au pochoir sont par essence fugitives. Elles s’effacent lentement par l’action du temps qui passe et des intempéries ; elles disparaissent après un ravalement de façade ; ou encore elles sont recouvertes de « tags » agressifs. Nos déambulations parisiennes nous ont permis d’en percevoir la variété et l’intérêt. Leurs reproductions photographiques trouveront naturellement leur place dans la section iconographie de l’Institut Emmanuel Ratier.

Photos Philippe Vilgier

Philippe Vilgier – Présent

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