Stouts et porters, le côté obscur de la bière

« Dans la série des boissons qui prédisposent à contracter la goutte, le stout et le porter doivent être placés au second rang, immédiatement après les vins spiritueux qui, eux, occupent le premier. » Ces mots sont tirés d’un traité sur la goutte publié en 1867. Depuis, les efforts hygiénistes de nos sociétés vertueuses ont ramené la podagre au rang de maladie exotique. Nous pouvons donc nous intéresser aux solides porters ou stouts sans mauvaise conscience. Commençons par préciser que stout et porter furent longtemps synonymes, jusqu’à ce que des « beer snobs » viennent couper les cheveux en cinq. Pour faire simple : ce sont des bières brassées à partir de grains fortement torréfiés. Ces malts leur donnent une teinte sombre – ah, les belles brunes… – et des arômes de chocolat, de café, parfums dits empyreumatiques (sic). Les stouts sont donc ni plus ni moins que des porters à gros bras, dont le degré d’alcool aime s’éloigner du raisonnable. Si une Guinness vous est déjà passée par la main, vous avez déjà bu un stout. C’est un bon début.

Cinquante nuances de brunes

« Capiteuses, épaisses et nourrissantes », voici comment étaient définies ces bières nées anglaises, ayant grandi irlandaises et dont le renouveau est désormais international. Quelques sous-styles bien marqués parviennent à s’imposer. Retenons-en trois. Tout d’abord les Irish Stouts ou Dry Stouts, des stouts irlandais tendant à une sécheresse marquée, dans lesquelles le café domine sur tout autre arôme. Viennent ensuite les Sweet ou Milk Stouts. Bénéficiant parfois de l’ajout de sucre ou de lactose, ces stouts sont ronds et charnus. Fermons le ban avec les Imperial Stouts ou Russian Stouts, qui évoquent l’affection de l’aristocratie russe des XVIIe et XIXe siècles pour ces bières fortement houblonnées qui poussent à l’extrême l’amertume et l’expression aromatique. On y décèle aisément des notes d’épices, de poivre notamment, et les 10 degrés sont très souvent tutoyés.

Où en trouver ?

Il faut bien l’avouer, les stouts sont bien souvent délaissés sur le sol gaulois. Les petits cavistes font de leur mieux pour en proposer quelques-uns, mais ce n’est pas l’opulence ! D’autant que les brasseries françaises peinent à se lancer… Le défenseur du petit commerce que je suis l’avoue donc avec un pincement au cœur : c’est sur internet que vous trouverez le plus large choix. Saveur-biere.com, le plus important site de vente en Europe vous permettra ainsi cette petite initiation (si peu exhaustive) : Tokyo, un Imperial Stout de chez Brewdog ; la Broken Dream de la brasserie anglaise Siren, mélange de chocolat noir et de fruits confits ; la 3 Bean Stout, une Imperial norvégienne qui devrait vous rendre accroc aux brunes de caractère ; enfin la Red Eye Flight des Ecossais de la brasserie Tempest, qui prouve qu’une bière « noire » peut déployer des trésors de douceur. Dernière précision : un stout n’a rien à faire dans votre réfrigérateur. La température de service idéale se situe aux environs des 14-15 °C, en deçà, vous risqueriez de rendre muettes ces dames.

 

 

Pierre Saint-Servant – Présent

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