Qui se souvient de… André Soubiran ? Médecin français né en 1910, il prend part à la seconde guerre mondiale dans un escadron de chars, tirant de cette expérience un ouvrage intitulé J’étais médecin avec les chars, qui lui vaudra d’obtenir le Prix Renaudot 1943. Suivront une vingtaine de titres, parmi lesquels une remarquable biographie du chirurgien de Napoléon, le baron Larrey, mais aussi de nombreux livres consacrés à la santé. Et, ce qui en fera un auteur populaire avec un million et demi d’exemplaires des deux premiers volumes, la désormais célèbre fresque des Hommes en blanc, mettant en scène les aventures de Jean Nérac, étudiant en médecine dont on suivra le sacerdoce au fil de six tomes écrits entre 1949 et 1958.
L’histoire tourne autour de la vocation. Jean Nérac ne se reconnait guère dans le carriérisme de ses collègues internes. Il décide de partir remplacer un médecin de province. Loin de la théorie arbitraire des carabins arrogants, le docteur Delpuech lui transmettra l’essentiel de la pratique indispensable pour contourner les embûches de la profession. Nérac engage alors son apprentissage au rude et beau métier de médecin de campagne, renonçant à toutes ses ambitions parisiennes… jusqu’à son retour dans la capitale où il se laissera reprendre par la vie facile et le charme d’une jeune femme irrésistible.
« LE LONG COULOIR DÉSERT ET UN PEU SOMBRE SENTAIT L’ENCAUSTIQUE, LA PIPE FROIDE ET LA SUEUR DE LA NUIT, UNE PETITE ODEUR ACIDE ET PAUVRE DE LIT DÉFAIT. PLANTÉ DEVANT LA PORTE DE MA CHAMBRE, JE REGRETTAIS DE N’AVOIR PERSONNE À QUI MONTRER ET FAIRE LIRE LA CARTE DE VISITE QUE JE VENAIS DE PLACER SUR CETTE PORTE : JEAN NÉRAC – ÉTUDIANT EN MÉDECINE – CITÉ UNIVERSITAIRE. ENFIN, J’ÉTAIS INSTALLÉ À PARIS ! »
Que reste-t-il d’une histoire aussi datée ? Soixante ans après sa parution, certaines maladies ont définitivement disparu quand, entre temps, de nouvelles sont apparues. Homéopathie, anthroposophie, ostéopathie… bien des techniques médicales envisagées autrefois comme de gentilles plaisanteries sont maintenant reconnues et, dans le fond, les pages d’André Soubiran ne relèvent-elles pas de quelques désuétudes dont la lecture n’atteste désormais plus d’aucune vérité ? Voilà précisément l’intérêt de (re)lire Les hommes en blanc, afin de mesurer le fantastique chemin parcouru par la médecine en quelques décennies.
L’emploi d’un vocabulaire aujourd’hui disparu est une autre raison de plonger dans la vie du docteur Nérac. Ainsi, le mot « carabin » désignait-il les internes en médecine au début des années 50. Ces petites expressions d’hier sont merveilleuses à découvrir, comme lorsque l’auteur évoque des « canfouines de bois pourri » pour évoquer des taudis sous mansardes ; on en redemande également lorsqu’il cite Havelock Ellis dont plus personne ne connait le nom ni l’œuvre. Enfin, pour ceux qui seront effrayés par deux mille pages en petits caractères, les quatre premiers tomes ont fait l’objet d’une adaptation sur grand écran. Raymond Pellegrin est Jean Nérac, et Jeanne Moreau la douce Marianne Dejazet, sa fiancée.
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