Ce négociant en toiles et calviniste genevois devient, dans sa cité-État, l’un des meneurs du « Parti des représentants », c’est-à-dire le groupe des bourgeois, en lutte contre l’aristocratie locale, en 1766. Il est membre de la Commission de sûreté (si l’on préfère : la police), lors de la Révolution de Genève, en avril 1782, et fuit la répression menée par les autorités de Berne, venues secourir leurs amis genevois.
En ce début de décennie, il rencontre deux futurs comploteurs français : le journaliste Jacques-Pierre Brissot-“de Warville” du Courrier de l’Europe, et une canaille de grand talent oratoire, flambeur, voleur, condamné à mort pour rapt : Gabriel-Honoré Riquetti, comte de Mirabeau, exilé à Neuchâtel.
Naturalisé sujet britannique en 1783, l’ex-Genevois tente de s’enrichir en Irlande, puis se fixe à Paris, en 1784, où il révèle des talents d’affairiste très peu scrupuleux. Dans l’ombre du banquier Isaac Panchaud (encore un Suisse de Paris), il spécule avec succès sur les actions de la Compagnie des Indes, de la Compagnie des Eaux et celles de la Caisse d’Escompte. En 1785, il se retourne contre son associé et sert d’indicateur à Charles de Calonne dans l’offensive de ce ministre contre les banquiers agioteurs.
En 1787, il fonde avec l’avocat parisien Nicolas Bergasse la Société Gallo-Américaine, espérant spéculer sur les terres vierges des USA. La même année, il crée, avec le baron Jean-Pierre de Batz, la Société d’assurances sur la vie. En 1788, il spécule sans succès, de nouveau associé à Panchaud, sur le rachat par des groupes privés de la Dette américaine auprès du gouvernement français… en fait, les gouvernants des USA n’ont nullement l’intention de payer cette dette. La même année, il fonde avec Brissot la Société des Amis des Noirs : cet affairiste a fort bien imaginé que des noirs libres travailleraient davantage qu’en tant qu’esclaves, tandis que Brissot n’y voit qu’un acte d’humanisme.
« Jacobin » dès 1790, il sert de conseiller à son ami Mirabeau, puis est son banquier, après la mort de Panchaud. C’est lui qui a l’idée de faire des assignats une monnaie fiduciaire. En dépit de son agitation et de la distribution de subsides, il n’est élu, l’été de 1791, que député suppléant à l’Assemblée Législative.
Mais son ami et associé Brissot ne l’oublie pas, qui l’impose à Charles du Perrier-“Dumouriez”, un général alors influent sur le roi, qui, sur les conseils fort peu éclairés de son épouse, fait mine de pactiser avec les Jacobins, dans le cadre de la « politique du pire », en espérant que l’empereur (Léopold II) et le roi de Prusse (Frédéric-Guillaume II) viendront remettre de l’ordre dans le royaume… alors qu’ils ont tout intérêt à le laisser se décomposer.
Clavière devient ministre des Contributions et Revenus publics (si l’on préfère, le ministre des Finances), du 24 mars au 13 juin 1792. Après le renversement de la royauté par l’émeute jacobine des 9 et 10 août, il retrouve son poste de ministre, qu’il occupe du 11 août 1792 au 2 juin 1793, effectuant même un intérim au ministère de la Guerre, du 12 au 21 août 1792.
Il en profite pour s’enrichir davantage encore. Non seulement, il participe à la fabrication de faux assignats, près de chez lui, à Suresnes, mais il détourne environ 4 millions de livres (une livre tournois vaut un franc-or de 1803 à 1914, soit l’équivalent de 3,2 euros), lors de la très longue liquidation de la Compagnie des Indes et de la liquidation de la Caisse d’Escompte. Il protège son associé en affaires, et comploteur royaliste, Jean-Pierre de Batz, ci-devant baron.
Les bons auteurs le créditent d’avoir tenté de réduire la fabrication de faux assignats, dénoncée à l’Assemblée Législative par l’affairiste Pierre-Joseph Cambon, dont l’art de grand financier sera, sous la Convention, de faire tourner la planche à billets… mais peut-être Clavière n’a-t-il agi que pour promouvoir les faux qu’il faisait fabriquer !
Décrété d’arrestation par la Convention Nationale le 2 juin 1793, il n’est emprisonné qu’en septembre. Des amitiés politico-affairistes lui évitent d’être compris dans la fournée des « Brissotins », jugés le 30 octobre et guillotinés le lendemain. Il se suicide le 8 décembre 1793 ; son épouse en fait autant, le lendemain.
Ce fut l’une des plus illustres canailles d’affaires de la première partie de la Révolution. Il ne serait pas dépaysé par la vie politique française contemporaine.