Le Caire confidentiel est un excellent film policier égyptien. Le titre fait explicitement référence au célèbre policier américain LA Confidential (1997, avec une action se déroulant dans les années 1950), et cet hommage ne s’avère donc pas absolument indigne de l’inspiration originale, bien au contraire. Les hommes peuvent certainement être aussi mauvais et corrompus au Caire qu’à Los Angeles, même si les contextes culturels sont radicalement différents. Son intrigue s’inscrit dans le contexte daté de janvier 2011, soit les dernières semaines, ce qu’ignoraient évidemment tous les protagonistes, du régime du président Moubarak. Un policier enquête obstinément, car tous lui conseillent rapidement d’y renoncer, sur un meurtre, puis une série de meurtre qui lui sont liés. Une petite vedette de la chanson populaire arabe égyptienne a été assassinée dans un grand hôtel du Caire. Officiellement simple artiste, elle menait une vie de courtisane de haut vol. Le meurtrier, sinon l’assassin au sens physique du terme, mais celui qui en a donné l’ordre, est très probablement le protecteur principal de cette dame, un grand entrepreneur de travaux publics. Le suspect est évidemment très lié aux hautes sphères du régime du président Moubarak. Ce policier, honnête selon les critères égyptiens, qui ne sont pas les nôtres – ainsi il collecte les « dons » des commerçants du quartier pour le compte de son commissariat – refuse absolument la version officielle et absurde du suicide de l’artiste. Il s’obstine donc, malgré tous les moyens employés pour le faire renoncer, allant de la promotion à la tentative d’assassinat contre sa personne. Le Caire confidentiel donne une image très sombre de l’Egypte, et en particulier de ses élites, comme de la police et de la justice.
Le Caire confidentiel une œuvre à charge qui sonne très juste et passionne le spectateur
Les choses ont-elles d’ailleurs radicalement changé sous le maréchal-président Al-Sissi ? Il est à craindre que non… Le tournage a fini par être interdit en Egypte et a été achevé au Maroc, avec les mêmes acteurs égyptiens. Ceci ne change rien pour les scènes de nuit en ville, nombreuses ; au pire, l’observateur attentif remarquera que les rares scènes rurales n’ont pas pour décor les campagnes d’Egypte. Mais ce déménagement contraint et forcé n’enlève rien à l’excellence substance du film. Comment rester honnête, ou à peu près, dans une société fondamentalement corrompue ? L’exercice n’est certainement pas aisé, et fort dangereux. Sans le renversement de Moubarak, le policier, courageux, ou suicidaire – selon l’opinion de ses proches inquiets -, aurait été retrouvé mort assez rapidement. La vision sombre de l’Egypte proposée par Le Caire confidentiel traverse vraiment tous les milieux, qui peuvent en effet se rencontrer dans une grande ville. Ce film est une œuvre à charge, mais qui sonne très juste, et passionne le spectateur.