Les récréations d’une grand-mère de Geneviève Laurencin

La narratrice du dernier roman de Geneviève Laurencin est une grand-mère heureuse. Parmi les raisons de son bonheur : ses quatre petits-enfants, également héros des Récréations d’une grand-mère. Il y a d’abord la petite Marion qui passe du berceau à la crèche, Clément à la maternelle, puis Julien au primaire et enfin Thomas au collège. Il y a aussi les parents de cette joyeuse fratrie, bien que peu présents dans le texte, qui semblent à l’image de leurs enfants : pas de dispute, aucun divorce à l’horizon, une situation financière visiblement avantageuse – chaque enfant jouissant de sa chambre, même si Julien va parfois embêter Thomas dans la sienne.

Des trouvailles poétiques et des références littéraires

L’écrivain nous emmène en Bretagne, au bord de la mer, près des châteaux de sable emportés par la marée. Les bizarres tortillons qui parsèment la plage à marée basse sont l’occasion pour les enfants de réflexions qui deviennent des trouvailles poétiques, aperçus aussi profonds qu’inattendus des pensées des jeunes esprits. La grand-mère en profite alors pour y accoler quelques citations de philosophes ou d’écrivains qui lui sont chers. Car le talent de Geneviève Laurencin ne se limite pas à retranscrire à la perfection le langage enfantin – allant jusqu’à utiliser des mots à la mode chez les actuels écoliers –, mais s’enrichit aussi de la grande culture de l’auteure, familière de Nietzsche, de Schopenhauer, de maitre Eckhart.

Dieu est un mystère

Et Dieu, dans cette histoire ? Sans être vraiment là, il n’est pas tout à fait absent. Ce que l’on peut entrevoir de la foi de la grand-mère est résolument moderne : Dieu est un mystère dont on ne peut savoir grand-chose. De Jésus et de sa sainte Mère, il n’est pas question. Il est entendu qu’après la mort, on va “au Ciel”, mais sans avoir à craindre un juge redoutable : “Qui t’a parlé de diable ? Le diable, ça n’existe pas et l’enfer pas davantage, sauf chez les poètes ou dans les contes”. Les enfants sont confrontés au mal : l’attentat du bataclan, le SDF honteux de mendier dans le métro, l’horrible histoire de cette petite fille brésilienne dont les yeux ont été vendus dans un trafic d’organes. Le terme « péché »est pourtant évité, tandis que celui de « caté » (pour « catéchisme ») apparait une fois – Julien semble y aller – comme celui d’“aumônerie”. Le lecteur ne saura jamais si les enfants vont à la messe, mais il pourra être certain d’une chose : la grand-mère qui raconte cette histoire aura réussi à le replonger en enfance.

Les récréations d’une grand-mère de Geneviève Laurencin. Éditions Salvator, 191 pages, 19 euros.

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