Trouver un litre de lait frais à la campagne?

 

« Bonjour, je voudrais un litre de lait frais » demande le client dans une petite supérette d’une bourgade du Cantal, au cœur de l’Auvergne, entourée d’élevages de vache salers. Tête médusée de la patronne du magasin Huit à huit, filiale de Carrefour : « Mais cela fait belle lurette que nous n’en vendons plus, les gens veulent du lait UHT (longue conservation sans froid) maintenant ». La scène est représentative de la situation du marché du lait et des mœurs alimentaires d’une population qui, même en zone rurale, là où les valeurs du terroir sont censées avoir préservé le bon sens, succombe à la malbouffe par facilité, paresse ou résignation.

L’auteur de ces lignes, père de famille sans cesse en quête de lait frais pour ses enfants lorsqu’il est en déplacement, confirme que la recherche du précieux nectar blanc relève désormais de la croix et de la bannière dans certaines régions, notamment celles où l’élevage laitier prédomine. Vrai en Normandie, vrai dans le Berry ou la Touraine, vrai en Alsace, vrai dans le Limousin, vrai en Bretagne ou en Auvergne, vrai dans le Poitou ou en Savoie. Le litre de lait frais se trouve dans certaines grandes surfaces en région, mais très rarement dans une supérette de village où l’épicier et le crémier ont disparu depuis longtemps. Précisons bien, non pas le lait cru tiré le jour même du pis de la vache que nos aînés allaient chercher à la ferme voisine avec le bidon en inox, pieuse image d’Epinal reléguée au musée, mais le litre de lait entier ou demi-écrémé, pasteurisé et mis en bouteille dans l’une des usines de l’industrie laitière et qui n’en reste pas moins un litre de lait frais.

Et il n’y a rien de plus désespérant que de voir des habitants d’une campagne où paissent de jolis troupeaux, dans la prairie ou sous les pommiers, sortir d’une grande surface avec un chariot remplis de packs de lait en carton. La télévision nous montre chaque jour des éleveurs aux abois, voire au bord du suicide, et l’on continue, parfois à 500 mètres de chez eux, d’acheter du lait industriel sans âme et sans saveur, souvent gris clair ou translucide, dans l’indifférence de leur sort. Il ne s’agit pourtant pas pour le consommateur, même pressé, de se lever à 6 heures du matin pour aller à l’étable, mais d’acheter du lait frais Candia, Lactel ou Biolait, qui se conserve une dizaine de jours au réfrigérateur. Eh bien non, on préfère accumuler des briques ou des flacons en plastique UHT longue conservation dans la cuisine ou sous l’escalier.

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C’est un mode de vie (« boulot, télé, congélo, micro ondes »), qui est à mettre en cause. Mais il faut avouer que lorsque le ministre des Finances, Emmanuel Macron, n’est autre que l’ancien rapporteur du projet de modernisation de l’économie signé Jacques Attali — un projet que Nicolas Sarkozy n’a pas osé appliquer intégralement car il le jugeait trop libéral mais dont la première mesure a été l’autorisation pour les enseignes de la grande distribution de s’installer dans les cœurs de ville, provoquant illico l’éradication des derniers commerces de proximité et des artisans —, les appels du président de la République demandant aux distributeurs de faire un effort relèvent de la mascarade.

Et que penser du président de la FNSEA, Xavier Beulin, qui conduit les négociations avec le gouvernement pour soutenir les éleveurs, dont l’autre casquette est celle de PDG de la multinationale agro-industrielle Avril-Sofiprotéol, dont la filiale Farmor, à Guingamp, importe des milliers de tonnes de poulets industriels brésiliens pour alimenter les usines à malbouffe de ses copains avant d’inonder les étals de la grande distribution alors que l’industrie de la volaille bretonne se meurt ? Que fait ce monsieur à la tête de la FNSEA?

La tragédie ordinaire du litre de lait frais français introuvable est le symbole de cette Europe « unie » qui écrase les peuples pour sauver les banquiers voyous et fait de la France une ferme en faillite qui prend ses consignes à Bruxelles et ses ordres à Berlin. MM. Hollande, Valls et Le Foll, il s’agirait de prendre le taureau par les cornes avant que la vache ne rue dans les brancards.

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