Jean de Bony a serré des milliers de paumes — y compris celles de gens célèbres — et c’est fou ce qu’il y voit ! Il publie un guide pour décrypter le tempérament de ses interlocuteurs au doigt et à l’oeil.
C’est un drôle de type qui vous serre la main avec insistance, lève un sourcil et enregistre sans en avoir l’air « paume chaude et sèche ». Jean de Bony est un inconditionnel de la poignée de main : « Si les Français ne se faisaient pas autant la bise, ils seraient beaucoup plus renseignés sur le tempérament des autres ! » Car l’homme en est persuadé : pour être le seul en France — et dans le monde — à avoir étreint, palpé, scruté plus de 10 000 mains dont quelque 300 appartenant à des célébrités, tout est là.
Un guide de chiromancie ? Le mot fait bondir ce grand type à lunettes à la dégaine de Jacques Tati. « Lire l’avenir dans les lignes de la main, c’est une ineptie. Je ne suis pas dans la devinette, j’étudie scientifiquement la cohérence des mains avec le parcours de la personne. » Et Jean de Bony étudie cette cohérence depuis trente-cinq ans, une improbable enquête empirique que le créateur de la biotypologie — terme qu’il a déposé en 1980 — a commencée en empoignant des mains d’artistes (Charles Aznavour, César, Céline Dion…). Il n’y a guère que celles des grands timides qui lui ont échappé. Ou celle de la femme du sultan d’Oman : « J’ai presque créé un incident diplomatique en lui demandant de me montrer sa main », sourit celui qui pratique cette science étrange depuis le service militaire. Depuis cette période, il a tout consigné de ses empoignades, formant une base de données unique.
Et lui qui a redoublé sa seconde et triplé sa terminale est aujourd’hui accueilli comme un ponte dans les entreprises, où il enchaîne les conférences, sa loupe et son thermomètre toujours à portée de main, dans un holster accroché à sa ceinture.
« Le patron qui veut recruter une secrétaire qui lui restera fidèle doit la choisir avec des mains froides et humides et des ellipses au bout des doigts ! » persuade-t-il. Car, s’il n’y a pas une main qui ressemble à une autre, il y a selon lui des constantes. La plupart des politiques — et tous les présidents, sauf Georges Pompidou — croisent les mains index gauche sur index droit. A l’en croire aussi, les mains chaudes demandent plus facilement le divorce que les mains froides : les premières taillent dans le vif, les autres sont fidèles… « Au Canada, les paumes chaudes et humides sont beaucoup plus nombreuses qu’en France, a-t-il constaté. « Ils sont plus sociables que nous. Arrêtons d’ailleurs d’associer les mains moites au stress, ce sont des mains insouciantes ! » Les mains françaises ont en revanche la particularité de compter beaucoup d’empreintes digitales rares en forme d’arche : 9 %, contre 5 % dans le monde. Or l’arche, pour Jean de Bony, c’est le signe de la « curiosité et de l’esprit critique ». Cocorico !
« La main à elle seule mobilise un tiers des connexions cérébrales », justifie-t-il. « Puisqu’on ne peut pas lire dans le cerveau des gens, autant s’intéresser à leurs mains. » Et n’en déplaise à ceux qui trouvent sa théorie bien trop déterministe, on ne change pas davantage de mains que de tempérament au cours de l’existence. « Même la pire des arthroses ne modifiera pas vos empreintes. Le poids du tempérament évolue, pas le tempérament lui-même. Plus on vieillit, plus on a le tempérament de ses mains ! » Alors, Jean de Bony ne prédit certes pas l’avenir, mais il est formel : « Avec un homme aux mains humides et chaudes emprisonné dans une vie routinière, il faut s’attendre à une grosse crise de la cinquantaine ! »
* « Ce que révèlent vos mains, décoder le tempérament et le sentiment de l’autre grâce à la biotypologie », First Editions, 17,95 €.