Madame de Staël de Laurence Cambronne

Qui se rappelle désormais de la délicieuse, l’intrépide, la fascinante Madame de Staël ? Histoire de dépoussiérer ce grand nom de la littérature, à peine relue depuis un siècle, la journaliste Laurence de Cambronne redonne à la grande dame qui faisait trembler Napoléon (à défaut de s’en faire aimer, elle réussira à s’en faire admirablement haïr) ses lettres de noblesse, en retraçant sa vie non pas en 24 heures (elle a pourtant tout d’une héroïne passionnée de Stefan Zweig) mais en 24 jours. Du 26 mars 1776, où Louise, dite « Minette », n’est pas encore Germaine de Staël mais la petite fille douée de Jacques Necker, le directeur des Finances de Louis XVI, rencontre le vieux Voltaire, au 28 mai 1817 où, alitée, elle recevra une dernière fois les brillants esprits de son salon : son amie Juliette Récamier, Chateaubriand (qui rencontrera ce jour-là Juliette et l’aimera trente ans durant) et d‘autres émérites et fidèles amis, venus de toute l’Europe pour être une dernière fois à ses côtés.

«Germaine de Staël menait aussi rondement une grossesse qu’une conversation», dira de l’un des plus savants esprits du XIXème siècle Simone de Beauvoir, en illustre disciple de cette politicienne engagée, écrivain inspiré et mère intrépide, traversant les pays au gré de ses exils, avec ses enfants (au nombre de cinq, la plupart issus de ses amants, au grand dam de son froid époux suédois, l’ambassadeur Erik de Staël), ne se souciant que de l’avenir de son pays, de ses idéaux précurseurs et des inclinaisons de son cœur, qui bat selon l’amant qui passe, souvent de quelques années – ou décennies – son cadet.

Benjamin Constant la suivra pendant plus dix ans, de sa demeure-refuge en Suisse, à Coppet, où elle s’ennuie mais se repose auprès de son père chéri – sa mère, salonnière et protestante dévote, succombera à cause des « péchés de sa fille », avant de l’immortaliser dans Adolphe, en plus de lui faire une fille, la pâle et rousse Albertine. Romantique avant l’heure – son roman Corinne a reçu les félicitations de Goethe himself tandis que son essai, De l’Allemagne, faisait enrager plus encore Bonaparte, Germaine de Staël, inspirée par ses idées neuves et celles de son cercle, sut ouvrir la voie à une littérature des sentiments, qui affranchit les Nations de leurs idiots carcans tant stylistiques que moraux. Nous plongeant dans la vie palpitante de cette redoutable salonnière parisienne, femme intrigante la plus influente d’Europe, (elle parvint à créer le « réseau Staël » pour sauver ses amis nobles des sanguinaires guillotines de la Terreur), Laurence de Cambronne nous convie au plus près de l’hôte exquise du « groupe de Coppet » – que le sulfureux Lord Byron et tous les intellectuels d’Europe s’empresseront de rejoindre) où entre deux missives et trois soupirs se dresse en finesse le portrait d’une femme hors du commun, résolument moderne.

Madame de Staël, la femme qui faisait trembler Napoléon de Laurence de Cambronne, Allary Éditions, 17,90€

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