Voici un livre particulièrement bienvenu car aujourd’hui, en France, qui connaît Nicolas Horthy (1868-1957), « régent de Hongrie », mort en exil au Portugal ? Tout de même, on se souviendra de cet article du Monde titré : « Le retour des cendres de l’amiral Horthy suscite une vive polémique » (4 sept. 1993). Dernier commandant en chef de la marine austro-hongroise, sa brillante conduite dans les combats de l’Adriatique lui a valu une grande popularité. Mais nous sommes en mars 1919 et, au congrès de Moscou, dans le cadre d’une révolution générale en Europe, la Hongrie est choisie (avec l’Allemagne) par Lénine pour l’instauration d’une « république des conseils ». Un doctrinaire fanatique, Béla Kun, proclame la dictature du prolétariat sans se soucier des conditions économiques et psychologiques de ce pays catholique. Le résultat ? 133 jours de terreur sanglante, à laquelle il sera mis fin grâce à Horthy, commandant d’une armée contre-révolutionnaire qui fera une entrée triomphale à Budapest le 16 novembre 1919.
Nommé régent par l’Assemblée nationale – il gouvernera comme chef d’Etat constitutionnel –, il voit par le traité de Trianon (1920) sa nation amputée du tiers de son ancienne superficie. Jean-Paul Besse souligne bien, à ce propos, comment le jacobin Clémenceau, à la fin de la guerre, se dévoila un ennemi implacable non seulement des Habsbourg, mais également de la Hongrie.
La volonté de retrouver les provinces perdues le fera se rapprocher de l’Italie fasciste et, en 1938, de l’Allemagne hitlérienne, tout en conservant la neutralité de son pays. Dans l’immédiat, c’est un succès. Mais la rupture, en juin 1941, entre le Reich et l’URSS entraîne la Hongrie, comme ses voisins, dans le combat antibolchevique. Toutefois, grâce à un subtil jeu de bascule mené par Horthy, la Wehrmacht n’occupa la Hongrie qu’en mars 1944, époque où les SS entreprirent la déportation en masse des juifs hongrois. Aristocrate conservateur, s’opposant sans cesse au parti fasciste des Croix fléchées, recherchant un armistice, Horthy finit par être arrêté par les Allemands. Comme l’écrit Jean-Paul Besse dans son livre abondamment documenté : « Paradoxalement, le régent Horthy fut davantage une victime du national-socialisme que du marxisme. »
Philippe Vilgier – Présent
Jean-Paul Besse, Nicolas Horthy le Régent méconnu, Via Romana 2016, 264 p., 23 euros.