Il existe autant d’églises en France menacées de démolition que de jours dans une année. C’est au moins une commune sur cent que compte notre pays au 36 500 clochers qui va être à très brève échéance concernée par ce phénomène sans précédent dans l’Histoire de notre nation multiséculaire. C’est sans compter les milliers de lieux de culte chrétien en péril, vétustes, désaffectés ou en voie de réaffectations. Ce fut en tous les cas jugé comme un nombre suffisamment critique pour que le Recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, propose, afin d’éviter la démolition d’un lieu de culte en terre de France, sa transformation en mosquée, c’est-à-dire son passage, ipso facto, dans la terminologie islamique, du statut de Dar al-Harb (Domaine de la guerre) à Dar al-Islam (Domaine de la soumission à dieu où s’applique la Charia).
Aux pharisiens qui réclamaient à Jésus un signe, il leur sera répondu (Matthieu 12.38) « Une génération méchante et adultère recherche un signe ; et il ne lui sera pas donné de signe si ce n’est celui de Jonas le prophète. Car comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’Homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre ». La résurrection en tant qu’elle est entre autre une renaissance emprunte pour se faire connaitre la métaphore du sein maternel, de l’antre, excavation, lieu ou l’on s’abrite, s’isole et ou opère le mystère. Si la grotte naturelle peut être le témoin de l’apparition mariale, la cathédrale, faite de la main des hommes, sera baptisée « Notre Dame ». Plus encore, il n’est de Piéta, vierge de Piété qui ne pleure son fils, que dans une caverne sous le Golgotha. Passage obligé vers le ciel, c’est-à-dire l’espérance.
La religion catholique actualise depuis presque deux milles ans et incarne la très ancienne civilisation indo-européenne dont nous sommes nous français issus. Elle est trinitaire et comme toute civilisation digne de ce nom, elle respecte dans son principe de souveraineté une double polarité, celle de la mère et celle du fils. Comment pourrait-il en être autrement et quel avenir aurait une civilisation qui serait incapable de vouer un culte au moins implicite à la fertilité et à la terre ? C’est bien le problème que pose l’Islam du désert à notre civilisation, plus largement à la civilisation en général ou les femmes n’ont aucune place si ce n’est voilée et grillagée. Et si on n’imagine pas un destin aux patriarches Abraham, Isaac, Jacob sans la présence à leurs cotés des matriarches et épouses Sarah, Rebecca, Léa et Rachel, on ne voit pas trop quelle femme sauf défunte, comme Khadija, jouera un rôle similaire auprès du « Prophète ».
Notre société mercantile et matérialiste dans son principe d’arraisonnement utilitaire tente de faire de chaque homme une matière première entièrement consommable, échangeable et substituable. Elle fait donc une chasse impitoyable à tous les lieux et en particulier aux églises qui sont autant de refuge ou l’Homme peut prendre appui, de limite que trace le sacré par rapport au profane, créant la différence, d’assemblée (Ecclésia donc église), d’être ensemble, ou l’Homme n’est plus seul face à l’inconnu et d’espace ou chacun participe au mystère de la création. Nef, arche dans un océan de confusion, l’église est bien plus qu’un repère, elle est le signe du salut eternel.
Dans cette lutte à mort entre la civilisation et la barbarie, les tenants du néant usent d’arguments faussement contradictoires, qui vont du soutien explicite aux religions minoritaires, en particulier l’Islam, et ce au nom de la tolérance, aux refus d’entraver les lois du marché même et surtout quand ses visées sont essentiellement spéculatives. Ainsi à Paris pour ne donner qu’un exemple, on va déplorer à toute occasion que les fidèles musulmans ne trouvent des lieux adaptés et en nombre suffisants à l’exercice de leur culte tandis qu’on va hâter, s’il le faut avec le concours des forces de l’ordre, la démolition de la chapelle catholique Sainte Rita au bénéfice des promoteurs et de la spéculation immobilière. On cherche en plein Paris le précédant (pas d’Eglise détruite dans la capitale depuis plus d’un siècle) en jouant des divisions et des querelles de chapelle. Et pendant ce temps là, on construit des mosquées avec de l’argent public en entretenant la confusion entre le culturel et le cultuel, au bénéfice de ce dernier.
Il est temps d’engager un véritable mouvement de résistance, partant de la base, refusant que soit porté atteinte d’une quelconque façon à ces constructions humaines que sont les églises. Elles sont la trace et le signe voulu par l’Homme, vivant entre terre et ciel, être voué à la mort. Il n’est pas d’autre rôle dévolu à la civilisation que d’en protéger les si fragiles et périssables constructions. En tant que signe de notre union, ecclésia, elle mérite notre concours et notre mobilisation. Faisons donc alors de la nuit du 4 juillet, « nuit des églises », un signe, une lumière dans la nuit, le début d’un mouvement d’occupation des églises de France au cœur de l’été, ou règnent plus généralement l’oubli, le divertissement et l’indifférence. Notre futur est à ce prix.
Nicolas Stoquer