Le bon côté du festival de Cannes c’est sa prévisibilité. Chaque année, la jet-set y étale sa compassion chronométrée. Il faut dire que sur la planète people, le temps est compté et que l’événement se tenant entre le Grand Prix de Monaco et Roland Garros, il convient d’étaler ses sentiments au mieux des intérêts de ses sponsors. Tous les idiots utiles de la nécessaire lutte contre le capitalisme se précipitent donc sur la Croisette, dans l’espoir de recevoir le Graal qui récompensera leur « engagement citoyen planétaire » car, c’est bien connu : le 7éme art n’a pas de frontière.
Le talent particulier de Ken Loach
Et cette année, en matière de Tartuffe, nous avons été servis. Ken Loach était en « compétition » avec un film « social », comme les acteurs et réalisateurs surpayés qui composent le jury en raffolent. Quoi de plus distrayant, en effet, pour les habitants de l’Olympe médiatique que de voir, sur grand écran, les malheurs des simples mortels ?
Il faut bien admettre que, dans ce registre, le bon Ken a un talent fou. Il arrive à rendre le laid esthétique. Il filme la misère comme personne. Il arriverait même à vous tirer une larme entre deux louches de caviar. C’est un don inestimable, par les temps qui courent, et il convient de le célébrer.
Donc, à la surprise générale, Ken Loach le rouge a encore une fois triomphé. Son appel à la Résistance, la vraie, la seule, celle qui compte : la lutte contre l’affreux libéralisme a ainsi pu s’étaler, une nouvelle fois, dans les journaux du soir et du matin.
Dans cette affaire, le ridicule le dispute au pathétique. Difficile, en effet, de prendre au sérieux quelqu’un qui vient empocher sa récompense des mains mêmes d’un système qu’il feint de dénoncer. Qui peut encore croire que les rebelles sont à Cannes ? Le marché international du film est l’un des plus mondialisés et des plus prospères.
Ken Loach au milieu du bling bling cannois
L’étalage d’argent, de luxe et de vacuité produit tout au long de « la semaine cannoise » est l’un des plus inouïs qui soit. Cela n’empêche pas le chevalier gris du cinéma britannique de dénoncer « un projet d’austérité qui est conduit par des idées que nous appelons néo-libérales, qui risquent de nous amener à la catastrophe ».
Il est vrai que le socialisme ayant si bien réussi à l’humanité, il était urgent d’en assurer la défense et la promotion. Notons au passage que Kenny ne nous propose aucune alternative, ni dans ses éructations post palme, ni dans ses films.
Il se contente de dénoncer. En cela, notre bon Ken est un vrai Cégétiste. Il tempête, il dénonce, mais niveau proposition : rien, nib, nada. Donnons-lui un camion et il nous bloquera un dépôt d’essence. Donnons-lui une caméra et il nous bloquera… un palmarès. Demandons-lui pourquoi et nous aurons une définition du vide… ce qui sera au moins utile pour les épreuves de philo.
La gauche est narcissique, schizophrène et totalitaire. Qu’elle soit sur la croisette ou place de la République, elle donne des leçons au monde sur ce qu’il convient de faire, tout en s’en abstenant elle-même.
C’est même à cela que l’on reconnaît une idée progressiste : elle est bramée jusqu’à l’excès et jamais appliquée par ceux qui sont pourtant élus pour ce faire… toute ressemblance avec la situation plus que branlante du Président le plus impopulaire de la Vème République n’est évidemment pas un hasard.