Vous connaissiez déjà les caméras qui vous surveillent « pour votre sécurité », c’est très efficace, on n’a jamais connu autant d’insécurité. Il y a aussi les caméras qui vérifient votre identité dans les gares ou les aéroports. Et voici celles qui devraient maintenant sauver la sacro-sainte croissance en poussant à toujours plus de consommation. On a bien tenté l’obsolescence programmée, raccourcir les cycles de mode, mais le résultat n’est pas franchement folichon… Une jeune entreprise, Angus AI (pour intelligence artificielle), propose de tenter une solution technologique : des caméras qui détectent les émotions sur les visages des clients et permettent aux commerçants d’adapter leur offre. Cela paraît fou, mais dans notre meilleur des mondes, c’est bel et bien un projet qui se met peu à peu en place.
Angus AI exhibe donc fièrement sa trouvaille : passer au crible d’un algorithme les vidéos de caméras disposées, par exemple, dans les magasins, afin d’analyser automatiquement les comportements des visiteurs. Est-ce une femme ou un homme qui s’arrête devant cet ensemble de vaisselle ? Par intérêt, étonnement ou curiosité ? Le client achète-t-il finalement cette vaisselle ? Outre que tous vos gestes, mimiques et émotions sont enregistrés et deviennent des données marchandes, sachez qu’ils servent ensuite pour améliorer le marketing, le parcours dans le magasin, etc. afin que vous finissiez par acheter.
Encore plus intrusif, l’algorithme peut être paramétré afin d’envoyer des notifications à un vendeur si un client semble hésiter à un achat. « Un monsieur bedonnant au pull rouge hésite entre les chips et les cacahuètes au rayon apéritif ». Et le vendeur peut se précipiter vers le client hésitant ou une offre promotionnelle peut alors automatiquement être diffusée via les haut-parleurs du magasin…
Le plus affligeant est, peut-être, que toute cette étude de nos comportements est tout à fait légale, tant que les images servent uniquement à l’algorithme et ne sont pas étudiées par d’autres humains. Nos images appartiennent aux robots et nous devrions nous réjouir de ce progrès.
Cette jeune entreprise n’est pas la première à utiliser la reconnaissance faciale pour ajuster l’offre commerciale. La chaîne de fast-food KFC a ainsi installé des bornes dans l’un de ses établissements à Pékin. Le client se met devant, son visage est scanné par une caméra. S’il fréquente régulièrement le lieu, la borne lui proposera son menu habituel et son historique des commandes. Sinon, en fonction de l’âge et du sexe, des menus lui seront suggérés. Cette fois-ci, ni KFC, ni Baidu, l’entreprise qui commercialise ces bornes, n’ont indiqué que les données récoltées ne seraient pas utilisées. De là à ce qu’elles soient vendues puis mises en relation avec celles d’autres magasins ou restaurants, puis celles des réseaux sociaux, il n’y a qu’un pas. Orwell avait décidément vu petit !
Camille Laplanche – Présent