Le jeune messie

Le film est une adaptation d’un roman d’Anne Rice, publié en 2005 : Christ the Lord : Out of Egypt. Elle s’est fait connaître pour ses romans sur les vampires, d’où la fibre fantastique que l’on retrouve dans Le jeune Messie, même s’il n’y a pas d’effets spéciaux à la Hollywood quand Jésus fait un miracle ou que Marie lui raconte sa rencontre avec l’ange. Tout semble naturel, mais il n’y a pas vraiment de liens entre les scènes où Jésus fuit l’Égypte avec sa famille pour venir à Nazareth. C’est une fiction, on aime ou on n’aime pas. Bizarre tout de même de voir Jésus enfant avec ses « pouvoirs » d’adulte, exercer sa puissance messianique au service des plus souffrants, ce qu’il fera plus tard quand ses miracles seront les signes que le Royaume de Dieu est déjà là.

J’ai abordé l’enfance de Jésus à Nazareth dans mon livre Jésus raconté par ses proches. Je fais parler ses parents à la première personne qui nous disent que Jésus a grandi en taille et en sagesse comme les autres enfants, que sa conscience s’est développée normalement, qu’il a compris progressivement sa mission de Messie, Christ, Sauveur. C’est une interprétation, bien sûr, mais je l’ai voulue la plus fidèle possible à l’esprit de l’évangile, où l’on sait si peu de choses de la vie cachée à Nazareth.

Le jeune Messie n’est ni un chef-d’œuvre ni un navet, il est entre les deux. Chacun peut être touché par l’une ou l’autre scène. Il y a d’abord cette présence du Diable, le Tentateur, suggéré par un homme au regard trouble. Il traverse le film comme une ombre malfaisante, évoquant le combat entre les ténèbres et la lumière, le bien et le mal. À trente ans, Jésus l’affrontera au désert et durant les trois années de sa vie publique. Il y a également cette belle solidarité d’amour entre les membres de la Sainte-Famille. Les acteurs qui interprètent Marie et Joseph sont crédibles, le jeune Jésus un peu moins, trop triste à mon goût. On redécouvre surtout un Joseph viril, profond, plein de bonté et de sagesse.

L’occupation romaine qui étouffe la Palestine est très bien rendue. On ne peut pas oublier le centurion romain, interprété par Sean Bean, qui cherche Jésus pour le faire périr, et lui pose l’ultime question au temple de Jérusalem : « Qui es-tu » ? Jésus garde silence, comme il se doit. Sean Bean est tout en nuance, il dégage une belle présence dans le film.

C’est tout l’intérêt de ce film de nous situer face à l’identité de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, qui questionnera les apôtres, les Juifs, le Sanhédrin. Jean Baptiste dans sa prison enverra ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ? » Et Jésus de répondre que les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, bref qu’Il est le Messie attendu. Il posera lui-même « la » question à ses apôtres : « Pour vous, qui suis-je » ?

À la fin, le jeune Jésus prie son Père avec confiance et se demande quelle sera sa mission. Indirectement, le spectateur est invité à y répondre à son tour, pour lui-même. La projection terminée, des personnes ont applaudi, d’autres ont gardé le silence. J’ai entendu un homme dire qu’il avait aimé les paysages. Est-ce seulement cela qu’il a retenu du film ?

Il y a eu beaucoup de films sur Jésus, et il y en aura d’autres. Aucun ne fera l’unanimité, car aucune forme d’art ne peut épuiser l’événement Jésus de Nazareth, mort et ressuscité. Le merveilleux cadre mal avec la discrétion et l’humilité de Jésus. Je préfère me le suggérer en silence, me recueillir dans une attention amoureuse au mystère de l’Incarnation, tel que révélé dans le Nouveau Testament. Ce qui n’empêche pas que Le jeune Messie, comme les autres films sur Jésus, peut alimenter les discussions, les partages, sur son identité et sa mission. « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je » (Mt 16, 13) ?

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