Pour sauver les bébés, tuons les congélateurs!

Depuis Véronique Courjault, gagnante en 2009 du premier Top Chef sur la façon d’accommoder le bébé congelé (3 à son actif), on n’a plus cessé de trouver des nourrissons dans les fonds de cuve, entre le cochon de lait et l’agneau du même nom. Dommage que les grandes marques n’en fassent pas la pub, parce qu’il y aurait matière;

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C’est un fait : autrefois, on les enterrait au jardin, entre le rang de poireaux et les pois de senteur. Ça fumait la terre. Il paraît même que c’est bon pour les rosiers (j’ai appris ça en lisant Simenon). Les parents étant devenus feignasses, ils hésitent aujourd’hui à manier la bêche. Même les derniers en date – le couple de Louchats, en Gironde, héros de la semaine dernière – ont préféré le congélo. Pourtant, le papa ouvrier agricole ne devait pas manquer de terrain. En revanche, le congélateur était devenu un peu juste, alors maman a eu recours à la glacière. Celle des pique-niques au bord de l’eau par les belles journées d’été. Intrigué par l’odeur sans doute, le père a pensé qu’un reliquat de sandwich y avait passé l’hiver. Il est allé voir, et là, ô surprise : un bébé tout frais ! Il a aussitôt prévenu les gendarmes, qui sont allés direct au congélo : bingo !
On a arrêté le papa et l’on plaint la maman, car revoilà la chanson, la rengaine, la scie qui chaque fois repasse en boucle : « déni de grossesse ».
Madame X (elle ne devait pas militer au FN, sans quoi l’on connaîtrait son nom) a fait 7 enfants. Deux filles d’abord, la première à l’âge de 17 ans, la seconde à 21. Mais pour les 5 enfants qui ont suivi et qu’elle a congelés, elle a subitement ignoré ce qui lui arrivait. Si si, c’est comme on vous le dit.
Moi, vous savez, je suis un peu basse de plafond. J’ai des enfants, des petits-enfants et du mal à croire aux fariboles. Qu’une adolescente déboussolée fasse un déni de grossesse à 16 ans, admettons. Qu’une mère épanouie de deux jeunes filles ignore les cinq grossesses suivantes, là, j’ai de sérieux doutes ! Pas la justice.
Condamnée à 8 ans de prison le 18 juin 2009 pour son triple infanticide, Véronique Courjault en est sortie fraîche et pimpante le 16 mai 2010. Si son histoire a secoué la France, c’est parce qu’on avait affaire à des gens « bien » : bon job, bons chrétiens, bonne famille. Pas des Groseille. Avant elle, Virginie Labrosse écope de 5 ans pour avoir, elle aussi, congelé ses trois enfants, dont l’un a été enterré dans la cave. Elle « n’allait pas bien à cette époque », dit-elle aux juges. Il faut croire que l’explication leur a suffi. En 2013, Audrey Chabot en prend, elle, pour 23 ans : elle a noyé ses petits garçons avant de les congeler. Elle aurait sans doute bénéficié de la clémence du jury s’il ne s’était agi d’une récidive : condamnée à 15 ans de réclusion criminelle en 2005 pour l’assassinat d’un premier nouveau-né, elle était sortie en 2010. Et en 2013 avait deux infanticides de plus à son actif.
Bref, puisqu’il est établi que les mères ne sauraient être criminelles, j’avancerai cette solution : comme on projette d’arracher les arbres sur les bords des routes au motif qu’ils seraient « accidentogènes », je suggère qu’on supprime les congélateurs parce qu’ils sont de toute évidence « infanticidogènes ». C’est une idée qui devrait séduire Christiane Taubira.

Lu sur Boulevard Voltaire

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