Par Charles Chaleyat
On a longtemps pensé que les sociétés caractérisées par la chasse et la cueillette c’est-à-dire les sociétés du paléolithique supérieur* pouvaient être comprises comme les sociétés traditionnelles actuelles fondées sur les mêmes principes comme les San du Kalahari ou les Aborigènes d’Australie, sociétés ‘pauvres’, nomadisant en fonction des ressources (gibier, fruits, graines, poissons..) qui se distribuent selon les saisons et les milieux. Sociétés jadis dites primitives (mais attention au politkor). Certes, mais on oubliait dans cette tentative de comparaison, certaines autres sociétés ce chasseurs-cueilleurs-pêcheurs donc de même type, mais pratiquant la mise en réserve, grâce à deux choses: l’advenue d’une ressource alimentaire saisonnière massive et la mise au point de techniques permettant le stockage de cette ressource.
Ces sociétés traditionnelles ‘riches’ sont celles, pourtant bien étudiées par les ethnologues, des Indiens de Californie (exploitant les glands de chênes) et des Indiens du littoral de la Colombie britannique au Canada : Tlingit, Haïda, Kwakiutl (exploitant la migration des saumons), dont un des grands mats totems sculptés se dresse à Paris à l’entrée du Musée de l’homme. Ces sociétés utilisent le séchage, le fumage, l’ensilage et les greniers pour conserver leurs prises et se nourrir donc toute l’année. Les big men dans ces sociétés de la côte Nord-Ouest, possèdent des esclaves, les meilleurs lieux de pêche ou de cueillette, nombre de femmes et organisent de grandes fêtes lors de funérailles et d’autres appelées potlatch destinées à montrer leur puissance par une incroyable débauche de biens offerts (poisson, objets de cuivre blasonnés, canots, couvertures, etc.). Ils se différencient totalement des autres sociétés indiennes voisines à l’Ouest (Montagnes Rocheuses) comme au Nord (Alaska) beaucoup plus pauvres.
Pourquoi ne pas imaginer que les hommes du Paléolithique supérieur en Europe du Sud-Ouest (chasseurs-cueilleurs entre 40 000 et 10 000 ans), ceux qui nous ont laissé un art pariétal et mobilier fabuleux (Lascaux, Chauvet, etc.), contrairement donc à l’image traditionnelle de petites hordes d’hommes errants et dispersés, – écrasés par la recherche de la nourriture et d’abris en climat périglaciaire – possédaient le même genre de socio-économie fondée sur une ressource saisonnière et maitrisée (le saumon atlantique ?**). Malheureusement, la fonte des glaciers après 10 000 entrainant la remontée du niveau des océans, a enseveli dans le golfe de Gascogne les vestiges qui pourraient en témoigner aujourd’hui. Ils sont désormais hors d’atteinte des mains d’archéologues voulant soutenir cette belle hypothèse.
*celles du paléolithique moyen et inférieur restant très maigres en informations.
** disparu à la fin du XXè siècle alors qu’il était couramment consommé au début du même siècle.