A 47 ans, Frédéric Mion, le successeur du sulfureux Richard Descoings retrouvé mort en avril 2013 dans un hôtel de New York, est le modèle parfait de ces prétendus serviteurs de l’Etat passés d’abord dans le moule des grandes écoles et des institutions françaises avant d’aller pantoufler dans le privé, en l’occurrence le cabinet d’avocats Allen et Overy LPP et Canal Plus. A y regarder de plus près, on pourrait même croire que le nouveau directeur de Sciences Po Paris est le quasi-jumeau de Descoings, discrétion et réserve en plus.
Excellent produit du système de fabrication des « élites », ce fils de diplomate, par ailleurs membre du très fermé club Le Siècle, avait tout pour succéder au « prince noir du pouvoir gay », selon l’expression de Causeur. Parfaite gravure de mode, gominé, manucuré, Frédéric Mion, qui a maintenu la tradition de la Queer Week (queer signifiant inverti en anglais) au sein de Sciences Po, figure d’ailleurs sur une liste des Français les mieux habillés selon le très branché magazine Vanity Fair. Des atouts supplémentaires pour sa cooptation ? Sans doute. Ceux qui étaient aux manettes et qui ont procédé à son recrutement ne s’y sont pas trompés. En particulier l’économiste libéral et octogénaire Jean-Claude Casanova, président de la Fondation nationale des sciences politiques ou le banquier Michel Pébereau, représentant éminent du CAC 40, qui ont refusé de suivre les recommandations de certains membres de Sciences Po, selon lesquels son directeur devait être un universitaire. A l’issue d’un véritable putsch mené de main de maître par les proches de Descoings, le haut fonctionnaire Frédéric Mion l’a donc emporté sur les mandarins et Louis Vogel en particulier, président de Panthéon-Assas qui avait jeté l’éponge en constatant la manipulation. Tout pouvait donc continuer comme devant, même si la Cour des comptes avait jugé plus que sévèrement la gestion calamiteuse de Descoings, sa folie des grandeurs et ses dérives financières, au nombre desquelles figurait sa rémunération annuelle de 537 000 euros.
De solides relations
Aussitôt dans ses fonctions, Frédéric Mion prend soin de s’entourer de gens de toute confiance. Il lui faut d’abord remplacer l’encombrante veuve de Richard Descoings, la chiraquienne Nadia Marik qui occupait les fonctions de directeur adjoint de la stratégie rue Saint-Guillaume. Et quoi de mieux qu’un renvoi d’ascenseur dans ce petit monde de l’entre-soi ? Il demande à l’ancienne directrice des Parfums Annick Goutal, Brigitte Taittinger-Jouyet, de le rejoindre.
Une manière comme une autre de remercier son époux, Jean-Pierre Jouyet, nouveau secrétaire général de l’Elysée et ancien patron de la Caisse des Dépôts après avoir été l’un des ministres de Sarkozy et dont on murmure qu’il aurait été à la manœuvre dans la promotion du nouveau directeur de Sciences Po. Ce dernier doit d’ailleurs se féliciter d’un tel soutien, lui qui rêve d’acquérir – avec d’ailleurs l’appui de Manuel Valls qui a rendu un premier arbitrage en faveur d’une cession de gré à gré – le très coûteux Hôtel de l’Artillerie, à une portée d’arbalète de Sciences Po et dont le ministère de la Défense souhaite se défaire. Mais pas à n’importe quel prix ! Quelque 100 millions d’euros, soit plus que les 85 millions que la Fondation des Sciences politiques serait prête à débourser. A cela s’ajoutent de coûteux frais de réhabilitation pour lesquels le soutien de l’ancien patron de la Caisse des Dépôts pourrait se révéler utile afin d’obtenir des prêts à un taux intéressant. Vous avez dit relations d’influence ?
Une réunion surréaliste
En janvier 2014, six mois après sa nomination et afin de relancer la machine, Brigitte Taittinger-Jouyet organise dans le célèbre Amphi Boutmy une réunion d’anciens élèves afin de lever des fonds. Tout a été soigneusement préparé, et notamment l’intervention de la responsable de l’école de journalisme de Sciences Po, censée poser les questions du public. Tout fonctionne à merveille jusqu’au moment où un membre de l’auditoire a le culot de demander la parole. Après être convenu que Sciences Po est une école de l’excellence, il attaque en ces termes : « Comment expliquer que depuis quinze ans le France ait connu une des plus fortes hausses de la dette publique et que les finances soient en si mauvais état ? Or, Sciences Po forme des élites qui ont abouti à ces résultats. » Vent de panique dans la salle et sur la scène. Mais Frédéric Mion s’en tire par une pirouette dont les énarques ont le secret. Tout le monde est soulagé et regarde d’un sale œil le trublion.
Reste que le successeur de Richie n’a rien changé dans le fonctionnement de l’école comme la Cour des comptes vient de le lui rappeler en mettant en doute son modèle économique. Mion continue à défendre bec et ongles l’ouverture à la diversité et à faire l’éloge de la discrimination positive. Il a cependant mal pris que le Front national obtienne le nombre de voix nécessaire pour former une association à l’intérieur de l’Institut. Héritier direct de son prédécesseur, il a nommé en avril 2015 un ancien président du Conseil italien, le mondialiste Enrico Letta, pour prendre la direction de l’Ecole internationale de Sciences Po Paris. Partisan de la vague migratoire qui nous submerge, il pourrait, à l’image de la rue d’Ulm, proposer de délivrer des cartes d’étudiant aux clandestins qui frappent à nos portes. La démocratisation serait alors totale et le champagne – Taittinger, cela va de soi – coulerait à flots… si les nouveaux élèves, majoritairement musulmans, le permettaient évidemment.
Francoise Monestier – Présent