estompe.fr
Par Gaëlle Chamarande
« Sale tragédienne ! Diva, vas ! Le goût de la tragédie ! Tu as l’obsession de la tragédie. Robe tragique, décor tragique, même les mouettes sont tragiques !
Je ne sais comment tu te débrouilles pour être perpétuellement enroulée dans ce châle blanc. Tu oscilles entre la nonne et la femme fatale en osant nous faire croire que tu portes toute la misère du monde sur tes frêles épaules. Tu sais, en Grèce, tu peux de permettre d’en faire un peu moins. Tu as peut-être l’intention de te fondre dans le décor, mais c’est raté, on ne distingue que toi sur la jetée et cet air éploré de femme bafouée.
Je suis désolée, mais je ne marche pas. La vraie souffrance ne peut pas s’étaler à ce point là.
Aujourd’hui tu ressembles à Michel Serrault dans La cage aux folles, lorsqu’il joue une mama corse et qu’il passe la serpillière en chantant.
Et puis, je te connais bien, je sais que tu n’as pas vraiment envie d’être seule face à la mer. C’est un air que tu te donnes, en fait là, tu aimerais bien que Nicolas, sur qui tu as jeté ton dévolu un peu inconsidérément me semble t’il, te rejoigne et te dise : « Lise, je vous observe depuis le début de la tournée et j’ose enfin m’ouvrir à vous, si lointaine, si triste, si seule, si mystérieuse, oh Lise !… ».
Tu prends ces airs mystérieux parce que tu n’as rien à cacher justement ! Tu es aussi toc que les décors de la pièce qu’on joue. Du carton pâte, une matière qui peut s’effriter mais qui est bien plus résistante qu’elle ne le laisse croire.
Ça ne te suffit pas de jouer la comédie sur scène ? Tu peux arrêter le théâtre tout de suite, tu n’es jamais meilleure comédienne qu’en dehors du plateau !
Je ne comprends pas que les autres s’y laissent prendre. Quelque chose m’échappe dans la nature humaine. Toute cette bienveillance envers toi…
Je ne comprends pas comment il est possible que je sois la seule à ne pas marcher.
Dis-moi comment tu t’y prends et je te jure sur ce que j’ai de plus cher, de ne jamais révéler tes secrets.