Par Alain Sanders
A l’occasion de la disparition d’Assia Djebar de l’Académie française, nous avons eu droit aux hommages compassés et dévots des pleureuses officielles. De Hollande, bien sûr, de Valls, de Fleur Pellerin (ce ministre de la Culture qui ferait passer son prédécesseur, Aurélie Filippetti, pour Pic de La Mirandole), des pépés en vert du quai Conti, etc.
Comme nous le faisons généralement, nous laissons le temps au temps. En signe de respect pour le grand mystère de la mort. Mais le moment est venu de dire, ici et maintenant, qui était vraiment cette Assia Djebar accueillie chez les Immortels (si on peut dire…).
Née Fatma-Zohra Imalhayène à Cherchell (Algérie française) en 1936, elle fit ses études au lycée de filles de Blida, puis deux années de khâgne à Bugeaud à Alger, puis à Fénelon à Paris. En 1955, elle est admise à l’Ecole normale supérieure de Sèvres. Pas vraiment le parcours d’une victime de la colonisation…
N’ayant même pas la reconnaissance du ventre elle déclarera, lors de son discours de réception à l’Académie française, que la France a fait subir à l’Algérie « un siècle et demi durant, une dépossession de ses richesses naturelles, une déstructuration de ses assises sociales et une exclusion de l’enseignement de ses deux langues héréditaires, le berbère séculaire et l’arabe ».
Dans la foulée, et sans que les pépés verdâtres bronchent, elle exaltera « l’héroïsme de la guerre de libération » qui permit « de sortir de la déchéance de la nuit coloniale ». Une nuit coloniale à qui elle devait tant, pourtant.
Elève de l’ENS, elle suivra l’ordre de grève lancé par l’UGEMA (Union générale des étudiants musulmans algériens). Selon ses propres dires, elle quittera l’école, avant la fin de son cursus, pour rejoindre le FLN. L’ENS prit acte de sa démission. Elle ne fut donc pas « chassée » de l’ENS comme elle le prétendit par la suite.
En 1956, elle enseigne à Rabat. Puis à la faculté d’Alger de 1962 à 1965. En 1980, elle choisit de replonger dans la nuit coloniale et s’installe en France. De 1985 à 2001, elle enseigne la… francophonie aux Etats-Unis. A savoir le français qui fut, selon elle, « la langue adverse, le sarcophage des miens ». Va comprendre, Charles…
Elle disait aussi avoir été exclue de l’enseignement de l’arabe en Algérie. Alors qu’au lycée de filles de Blida, deux professeurs enseignaient l’arabe littéral et l’arabe dialectal. Mais Fatma-Zohra, future Assia, choisira, elle, d’étudier le latin, le grec et l’anglais…
Le pire fut qu’à l’Académie française elle exalta deux terroristes sanguinaires, les deux Djamila, poseuses de bombes, tueuses d’enfants, en qui elle voyait des « porteuses de feu ». Une insulte à nos morts. Mais aussi à son grand-père paternel, qu’elle n’évoquait qu’avec dédain : engagé dans les spahis, sous-officier, il arborait fièrement sa décoration gagnée sur les champs de bataille du Tonkin. Mais aussi à son père, Tahar Imalhayène, instituteur issu de l’Ecole normale d’instituteurs de Bouzaréah. Et encore à sa mère, Bahia Sahraoui, de la grande famille amazigh des Berkani (1).
Elle aura bien mérité de l’Académie fellouze. Et on nous permettra de ne pas la regretter plus que ça.
(1) Elle avait d’ailleurs choisi son nom de plume, Assia (« la consolation ») et Djebar (« l’intransigeance ») pour ne pas « choquer » sa famille.