Depuis quelques jours circulent sur les réseaux sociaux, et maintenant dans les médias, les petits dessins croquignolets du guide de bonne conduite à l’attention des migrants rédigé par la Bayerischer Rundfunk, la radio et télévision publique bavaroise. Graphisme naïf façon consignes d’urgence dans les avions, on y voit des « mises en situation » barrées d’une croix orange. Exemple : monsieur aide madame à monter l’escalier en lui mettant la main aux fesses… Or, en droit allemand, la main au panier est « streng verboten ». C’est d’ailleurs généralement le cas en Europe, où les relations hommes/femmes sont censées être fondées sur le respect et l’égalité, choses que nous attendons des populations accueillies sur notre sol. Oui, mais voilà, pour la majorité de ces hommes venus des contrées ensoleillées du bassin méditerranéen et au-delà, envisager les femmes comme des êtres libres et égaux en droit s’apparente à une révolution copernicienne. Et encore, je ne parle même pas de respect.
Cette épineuse question a été portée sur le devant de la scène par les événements de Cologne, quand des hordes de jeunes mâles en rut se sont égayées dans les rues à la recherche de proies propres à éponger leurs débordements de testostérone. Mais on n’a pas attendu qu’un gros million de demandeurs d’asile ait débarqué sur le sol allemand pour avoir conscience du problème. La plupart des pays européens ont en effet mis en place, parfois depuis des années, des guides et même des cours à destination des immigrés/réfugiés pour tenter de leur inculquer quelques notions de base sur nos codes sociaux. Le Danemark a même instauré des « cours obligatoires » de valeurs occidentales… Et pour tous – Allemands, Danois, Norvégiens, Suisses, Français -, les relations entre hommes et femmes sont au cœur du problème.
De l’avis général, la chose la plus difficile à faire entrer dans toutes ces têtes est la notion de « consentement ». Dans le guide de bonne conduite que les Allemands viennent de réimprimer en urgence, il est ainsi écrit que « les hommes et les femmes sont égaux et ont les mêmes droits. Quand quelqu’un demande qu’on le ou la laisse tranquille, il faut l’accepter. Le harcèlement, notamment des personnes de sexe opposé, est strictement interdit. » En outre, « chaque personne, homme ou femme, est libre de choisir son partenaire et de décider soi-même de se marier – ou non ». Et pour les petits détails de la vie quotidienne, on rappelle que « sourire n’est pas considéré comme une tentative de drague, même lorsqu’on parle avec des inconnus. En général, une personne qui sourit essaie simplement d’être polie et accueillante. » Enfin, comme le soulignent cette fois les Belges, « chacun choisit le vêtement qu’il/elle porte » et « un vêtement sexy » ne signifie pas « je veux du sexe ».
Ces initiatives, on s’en doute, ne font pas l’unanimité. D’aucuns les jugent particulièrement méprisantes et discriminantes. C’est le cas, par exemple, de l’architecte libano-britannique Karl Sharro, lequel a publié sur Twitter un petit guide de bonne conduite des Européens au Moyen-Orient : y sont vivement déconseillés les chars, les bombes, les gaz de combat, les missiles, etc. C’est rigolo. Mais surtout, c’est aussi très facile et très simpliste.
Car si l’on suit la logique de Karl Sharro – celle où nous n’avons rien à faire dans ce Moyen-Orient poudrière, et là-dessus, je veux bien le suivre -, tous ces braves gens réfugiés et demandeurs d’asile n’ont pas, non plus, à se presser aux frontières de l’Europe. Qu’ils restent donc chez eux à régler leurs problèmes, qu’ils prennent les armes, qu’ils résistent, qu’ils s’entretuent et qu’ils fassent ce qu’ils veulent de leurs femmes et de leurs enfants. Si nos mœurs ne leur conviennent pas, les leurs me conviennent encore moins. Chacun chez soi et les femmes seront bien gardées, n’est-ce pas ?
Marie Delarue – Boulevard Voltaire