Boulevard Voltaire
Joris Karl
Comment vouliez-vous que notre Caroline nationale résistât à cette provocation, à ces cuisses fermement gauchistes et musclées ?
Mais comment vouliez-vous que notre Caroline nationale résistât à cette provocation de chair et de sang, à cette poitrine militante, à ce sourire libertaire, à ces cuisses fermement gauchistes et musclées ? Inna Shevchenko, c’est quand même autre chose que ces tue-l’amour d’Arlette Laguiller ou Louise Michel. Pour une fois, la révolution est bandante, alors, pourquoi s’en priver ?
Du jour où notre trépidante reporter a vu Inna Shevchenko, la star des Femen, à la télé, elle avait déjà craqué, alors que votre serviteur restait de marbre à siroter un 15 ans d’âge. Du whisky, je précise. La suite ? Une aventure – que dis-je ? –, une enquête, où elle a fouillé sous les textes, sous les slogans, sous les draps. Du grand art, môssieur. Alors la jeunette (23 berges) s’est livrée, corps et âme, aux interviews voluptueuses, aux séances photo prolongées, « tour à tour enquêtrice, conseillère, amie, amoureuse et femme libre, Caroline Fourest raconte à la fois ses doutes, leur combat et leur romance. Et pour la première fois se livre », annonce la quatrième de couv’ du bouquin, sobrement titré « Inna », histoire de faire saliver le pékin.
Pas besoin d’acheter, vous pouvez feuilleter chez Carrefour : c’est une romance d’aujourd’hui, caricaturale d’une société dont on ne lèche plus que le mince vernis médiatique, où tout se mélange, où maintenant les journalistes pieutent avec les rebelles pisseuses sur lesquelles elles investiguent et s’en vantent tranquillos…
Au fil des pages, de plus en plus excitée par sa timbrée, Caroline Fourest débloque devant ce bloc de l’Est brûlant comme un verre de vodka glacée. Pas facile d’assurer une biographie racoleuse avec le feu au ventre. Inna représente peut-être ce que Caro aurait caressé d’être, une battante, une amazone forte en gueule, jouissant du bitume et des coups de matraque, sûrement des symboles phalliques pour les foutraques en mini-short. Loin des studios, loin du velours du prêt-à-penser. Les seins en danger, le cul menacé par des rangers. La dictature du vedettariat, en somme, le centralisme pornocratique, pourquoi pas.
Caro raconte avoir « infiltré » les Femen pendant un an. C’est joliment dit. Bon, OK, elle ne s’attarde pas sur les origines et les financements du groupuscule, c’est plutôt la forme — on la comprend — qui l’intéresse. Alors Caroline finit par dérailler, en plein orgasme déontologique : « Suis-je la seule à ressentir ce qui se passe ? – Comment ça ? – Cette attirance, Inna… À peine ai-je fini ma phrase que Inna se décompose. Ses joues s’empourprent, sa respiration se bloque. Comme si elle allait défaillir. – Oh, mon Dieu… »
Honnêtement, des fois, on se dit que c’est écrit avec un vibromasseur plutôt qu’un stylo, et en plus ça coûte une vingtaine d’euro pour 400 pages. À votre bon cœur, m’sieurs dames, c’est pour la bonne cause, et avec l’argent récolté, qui sait, Caro pourra payer un squatt sympa à sa bolchérie en string…