Jean des Cars : “La Saga des favorites” Cherchez la femme…

 

Par Alain Sanders

Dire que Jean des Cars a le sens des grandes fresques historiques serait encore ne rien dire. Qu’il parle des Habsbourg, des Romanov, des Windsor, des Grimaldi et – en l’occurrence – des favorites, il a ce don de nous enchanter tant son talent de conteur va de pair avec une fine érudition historique. Qui jamais ne pèse ou ne pose.

Son dernier livre, La Saga des favorites, comporte seize portraits de femmes – des égéries – qui, à des époques diverses, ont pu bousculer l’histoire politique. Elles ont, certes, joué des rôles plus ou moins importants, mais leur emprise s’est toujours exercée sur des hommes de pouvoir : monarques, rois, empereurs, présidents (mais, dans cette saga, Jean des Cars ne s’est pas arrêté à la valetaille républicaine).

Nous allons ainsi d’Agnès Sorel (« la première favorite ») à Wallis Simpson (« une menace pour la couronne britannique »). En passant par Diane de Poitiers (Henri II) ; Gabrielle d’Estrées (Henri IV) ; Louise de La Vallière, Mme de Montespan, Mme de Maintenon (Louis XIV) ; les sœurs de Nesle, Mme de Pompadour, Mme du Barry (Louis XV) ; Zoé du Cayla (Louis XVIII) ; Lola Montez (Louis Ier de Bavière) ; Anne Elizabeth Howard (à qui le futur Napoléon III dut beaucoup et à qui il ne rendit presque rien) ; Katia Dogorouki (Alexandre II) ; Blanche Delacroix (Léopold II) ; Magda Lupescu (Carol II de Roumanie).

Quelle différence entre une favorite (i.e. une femme qui « a les faveurs ») et une maîtresse ? Jean des Cars répond : « A la différence d’une maîtresse, la favorite ne se contente pas d’être l’objet d’une passion amoureuse, éphémère ou durable. Elle dispose de moyens, exerce une influence politique, économique ou artistique. Elle obtient des résultats, heureux ou calamiteux, parfois les deux. Qu’elle soit aimée des peuples, tolérée ou détestée, rien ne se fait ou ne se défait sans elle. »

On apprend beaucoup de choses derrière les choses en lisant Jean des Cars. Même quand il s’agit de sujets que l’on croit bien connaître. Ainsi en ai-je appris encore sur Diane de Poitiers pour laquelle j’ai beaucoup de goût. Et encore sur Zoé du Cayla, alias « La tabatière royale » (je vous laisse découvrir pourquoi…), que je ne tenais pas en grande estime, en revanche.

Découverte(s) aussi de Blanche Delacroix, baronne de Vaughan, qui séduira le vieux Léopold II (elle avait 17 ans, il en avait 65…), restera sa favorite pendant neuf ans et deviendra, in extremis (on a envie de dire : in articulo mortis) son épouse (trois jours avant la mort du roi des Belges).

On sent, à le lire, que Jean des Cars porte un regard amusé – et ici et là presque amoureux – sur ces belles dames du temps passé. Sans établir de hiérarchie entre telle ou telle. Reste que les trois sœurs de Mailly-Nesle (Louise, Pauline, Marie-Anne, à qui il faut sans doute ajouter – mais on n’en est pas sûr – la quatrième de la fratrie, Diane), si elles eurent des commerces de lit spectaculaires (ne serait-ce que par leur nombre et leurs liens de parenté) avec Louis XV, n’eurent pas l’importance de Mme de Pompadour ou de Mme du Barry. En rappelant que Magda Lupescu fit perdre son trône à Carol II de Roumanie et que George V abdiquera par amour pour Wallis Simpson, quand Gabrielle d’Estrées ou Louise de La Vallière ne firent vaciller ni Henri IV ni Louis XIV (au moins sur le plan politique…).

• Perrin.

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