Inutile de barguigner davantage : Emmanuel Macron a un incroyable talent. Talent dont il vient encore de démontrer toute la palette, lors d’une visite officielle en sa ville natale d’Amiens. Et là, c’est le feu d’artifice, sachant que le premier, d’artifice, consiste à mettre en garde les Français contre de possibles violences à quelques jours de la grande manifestation du 5 décembre prochain : « Il y a une liberté d’exprimer son opinion, mais il n’y a pas de liberté de casser. »
Fort bien. Mais à ce compte, pourquoi quelques centaines de Black Blocs, tous parfaitement identifiés, ne sont-ils pas arrêtés à titre préventif ; ce que les forces de police savent très bien faire pour les plus turbulents supporters de football ? Pourquoi ces mêmes forces, lors du mouvement des gilets jaunes, ont-elles laissé ces mêmes trublions causer les dégâts qu’on sait dans les grandes villes en général, et à Paris en particulier ? Ce que confirmait alors, sur BFM TV, notre consœur Charlotte d’Ornellas, qui n’est pas précisément une gauchiste de l’espèce hystérique.
Ensuite, le représentant de ce qu’il faut bien nommer le « parti du désordre établi » de faire la leçon aux Amiénoises et Amiénois : « Notre pays est, je trouve, trop négatif sur lui-même. » Le tout prononcé devant un parterre d’étudiants un peu secoués par la tentative d’immolation par le feu de l’un des leurs.
Certes, il ne s’agit pas d’un Jan Palach, étant, lui, parvenu à ses fins, à Prague, le 19 janvier 1969, histoire de lutter contre le totalitarisme soviétique ; ou même d’un Mohamed Bouazizi, humble marchand de quatre saisons tunisien ayant volontairement connu le même sort, le 17 décembre 2010, afin de signifier son désespoir face à une dictature tout aussi ubuesque : celle du défunt despote local, le président à vie Ben Ali. Il n’empêche que le geste désespéré de cet étudiant français n’a rien d’anodin non plus…
Faisant preuve d’une psychologie décidément hors normes, Emmanuel Macron affirme donc à ces étudiants : « Quand on parle des conditions étudiantes, comparons la France aux autres pays. » Il est vrai que si, pour se consoler, on doit comparer la situation des étudiants français à ceux du Zimbabwe, nous voilà beaux.
Oui, cet homme a un incroyable talent : celui de se fâcher avec tout le monde. Car, si l’on résume :
Les policiers sont à bout et les pompiers n’en peuvent plus. L’ensemble du personnel hospitalier ne cesse d’alerter les pouvoirs publics quant au désastre frappant leur profession. Les paysans se suicident en grand nombre. Les militaires n’en pensent pas moins. Les profs sont en plein nervous breakdown. Les catholiques, mariage homosexuel, PMA et GPA obligent, sont très énervés. Nos compatriotes de confession musulmane, tout aussi dubitatifs sur ces « avancée sociétales », ont le sentiment d’être maltraités, tandis que ceux de religion israélite estiment être abandonnés. Le parti laïc n’est pas en reste non plus, voyant ses idéaux partir en fumée devant la montée des communautarismes. Quant aux retraités, le principal bataillon électoral macronien, c’est la douche froide, depuis la hausse de la CSG. Après, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, d’autres fonctionnaires ne paraissent pas être à la fête non plus. Ces colères et ressentiments une fois additionnés, ça commence à faire beaucoup pour un seul homme.
Dans le même temps, la gauche subsiste à l’état résiduel tandis que la droite en est réduite au stade de mort clinique, malgré les soins intensifs prodigués par les derniers médecins n’étant pas en grève. À ce titre, Emmanuel Macron, c’est un peu Pierre Richard dans le cultissime film La Chèvre, de Francis Veber, tourné en 1981, quand, s’enfonçant dans les sables mouvants, il affirme à un Gérard Depardieu passablement éberlué : « Si je ne bouge pas, je m’enfonce et si je bouge, je m’enfonce aussi. »
Bref, le résident de l’Élysée s’agite en tous sens et n’en finit plus de s’enfoncer, non point dans les sables mouvants, mais dans les sondages. Alors qu’une Marine Le Pen, autrement plus discrète, ne cesse de grimper dans les mêmes enquêtes d’opinion.
Contrairement à ce qui était pronostiqué par les professionnels de la profession journalistique, l’échéance présidentielle de 2022 promet d’être des plus intéressantes.
PS : de là à ce qu’Emmanuel Macron explique aux salariés de Whirlpool laissés sur le carreau qu’ils ne sont que des feignasses de chômeurs, il n’y a qu’un pas…
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire