Photo du tireur d’Ottawa / Histoire d’un scoop!

 

Regardez-bien cette photo. Si vous ne l’avez pas encore vu, je suis persuadé que cela sera le cas dans les prochaines heures. Ce cliché est en train de faire le tour du monde. On y voit Michael Zehaf-Bibeau lors de son attaque à Ottawa.

Ce cliché, j’ai été le premier à le publier et l’identifier sur mon fil twitter 100 % info, @Breaking3zero , quelques heures avant que les médias traditionnels s’en emparent

J’ai décidé de vous raconter son histoire. Comment il m’est arrivé et comment j’ai réussi à l’identifier avant de le partager.

TWITTER

Autour de 14 heures aujourd’hui, un de mes followers me signale l’existence du cliché, me demandant s’il s’agit ou pas du tireur. A ce moment là, les informations sur la fusillade d’Ottawa sont parcellaires et confuses.

Mon premier réflexe est de lui en demander la source. Il m’envoie vers les réponses à un tweet posté par la police d’Ottawa.

Par n’importe quel tweet, un tweet qui demande aux témoins de la fusillade de partager avec la police toutes les informations permettant de retracer le suspect. Et là, parmi les premières réponses, le cliché d’un homme tenant une arme.

Ne le cherchez pas, ce tweet n’existe plus. Il a été supprimé presque immédiatement. Posté depuis un compte anonyme, le cliché s’est retrouvé pour une poignée de minutes dans l’immense bac à sable virtuel qu’est Twitter.

J’ignore qui la supprimé. La rapidité de sa disparition me pousse à penser qu’il s’agit du l’auteur lui-même. Peut-être pensait-il envoyer en message privé ? Peut-être qu’après avoir contacté directement la police, il a suivi leurs instructions et l’a supprimé.

Quoiqu’il en soit, grâce à une capture d’écran, je me retrouve en tout début d’après midi avec une copie.

VÉRIFICATIONS

Évidemment, hors de question de le publier tel quel. Sans vérification, sans certitude. Et même, hors de question de le publier trop tôt, alors que le chaos règne encore à Ottawa, que l’enquête est en cours, que le tireur a peut-être des complices.

Je dispose – comme beaucoup de journalistes – de sources ici et là et je décide donc de leur envoyer le cliché en leur demandant ce qu’ils en pensent.

En attendant, je décide de tenter de trouver d’autres éléments qui pourraient confirmer ou infirmer son authenticité.

Je commence par l’arme. Une Winchester. Trois modèles possibles. 1886, 1873, 1892. Dans tous les cas, une arme spécifique. De chasse. Pas un semi-automatique. Pas une automatique.

Et justement les premiers témoignages lors de la fusillade à l’intérieur du Parlement évoquent un fusil. Et puis il y a l’enregistrement AUDIO de celle-ci. Où l’on entend le suspect tiré avant que les forces de sécurité répondent.

Si elles tirent en rafales, lui tire coup par coup. Comme pour une Winchester.

Puis il y a le foulard. Quelques témoins de la fusillade au cénotaphe ont justement décrit le tireur comme portant un « foulard de type musulman ». Si la description ne correspond à rien de précis, le cliché montre un suspect au visage partiellement dissimulé par un keffieh noir et blanc, tel que popularisé par les défenseurs de la cause palestinienne dans les années 1980.

Et enfin, il y a le parapluie.

La poignée blanche est sous la main droite du tireur. Le reste à gauche près de son épaule. C’est grâce à cet accessoire qu’il a dissimulé son fusil, a pu quitter son véhicule et s’avancer jusqu’au monument sans attirer l’attention.

Si les informations d’une de mes sources sont exactes, ce point est confirmée par les images des vidéos de surveillance.

SOURCE

L’arme, le keffieh, le parapluie. Trois indices qui vont dans le sens de l’authenticité du cliché.

Et, alors que je tente de confirmer la ressemblance entre le fond de la photographie et celle du monument d’Ottawa, une de mes sources me revient.

Depuis quelques minutes, une photographie circule dans les milieux de la sécurité du Canada. Pas celle là, une autre.

Un cliché d’identification, vraisemblablement venant d’un permis de conduire. C’est celle du suspect de la fusillade. Même chevelure, même haut du visage. Suffisamment pour que ma source, pourtant très prudente, m’indique que le cliché que je lui ai envoyé « ressemble au tireur ».

Mes vérifications sur le contenu de la photo puis son indication laissent peu de place au doute. Et alors que CBS aux USA annonce le nom de tireur, je décide de publier le cliché sur Breaking3zero. Il est 16h16 sur la Côte Est.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Le mariage de la rapidité des médias sociaux et de l’investigation « traditionnelle ». Ce que moi, parmi d’autres, désignons sous le terme d’info 3.0.

Mais elle s’accélère. Une vingtaine de minutes après la publication du cliché, un fil francophone soutenant l’état islamique reprend la photo et la poste. Et avec, nait dans certains médias, l’idée complètement fausse que EIIL est à l’origine du cliché. Et ce ne sont pas les négations du fil en question qui changeront les choses.

Depuis une heure maintenant, l’authenticité du cliché a été confirmée par des témoins de la fusillade et des sources proches de l’enquête.

Si mes informations sont exactes, le cliché en question – et pas une capture de l’écran de contrôle d’un appareil photo/vidéo pris à la va-vite- est entre les mains de la police.

Exactement, là où il doit être.

William Reymond 

Le terroriste Michael Zehalf-Bibeau qui a été abattu, a habité dans l’arrondissement Villeray-Parc Extension de Montréal entre 2004-2006. Il a vécu un certain temps dans la ville d’Aylmer, puis à Vancouver. Il avait un lourd casier judiciaire.

Le nom du suspect abattu est Michael Zehaf-Bibeau, né Michael Joseph Hall au Québec en 1982 d’un père libyen, Bulgasem Zehaf, et d’une mère québécoise. Son père a un dossier criminel: il a été reconnu coupable pour agression armée en 1987. Il a combattu avec des rebelles en Libye en 2011. Sa mère est fonctionnaire fédérale, et travaille à la Commission de l’immigration et du statut du réfugié. Converti à l’islam, Zehaf-Bibeau était connu des autorités, son passeport ayant été saisi avant l’attentat car il était considéré comme un «voyageur à haut risque».

Source

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