Il paraît que la presse écrite « traditionnelle », ou « mainstream » – pardonnez l’anglicisme -, ne se porterait pas au mieux ; on peine à le croire… Ce qu’en revanche l’on peut croire, ce sont les chiffres de diffusion de cette dernière ; lesquels sont tout, hormis flambards.
Parisien (-4,9 %), Monde (-1,8 %), Figaro (-2,8 %), même cette Croix (-0,4 %) n’en finissant plus de porter la sienne, et pourtant pas le plus mauvais des quotidiens nationaux. Le plus touché du troupeau demeure, évidemment, Libération (-21,5 %), journal portant de moins en moins bien son nom. Il est vrai qu’après avoir été la propriété de la famille Rothschild (quel gag !), il est désormais celle de Patrick Drahi, éternel humaniste incompris. Il est surtout le folliculaire des vieux jeunes, lectorat que ne vient même pas contrebalancer celui des jeunes vieux.
Petite éclaircie en ce ciel assombri : les ventes de L’Équipe, des Échos et de Présent seraient en hausse. C’est assez logique, ces trois organes excellant, chacun dans leur registre, à défendre leurs fondamentaux originels : sport, pognon et sacristies tricolores. Pour les hebdomadaires, ce serait plutôt le temps du reflux que des grandes marées.
L’Express dégringole (-21 %). Il est vrai que le même Patrick Drahi est passé par là, que son directeur, Christophe Barbier, excelle plus à accorder le rouge de son écharpe à celui de ses yeux fatigués qu’à l’usage du bon français.
Dans la Bérézina ambiante, Franz-Olivier Giesbert, l’abbé Chamel du Point – petite blagounette à deux euros : on laisse le temps au lecteur de se presser le citron et d’éventuellement se dilater la rate… –, ne s’en sort finalement pas si mal que ça (-8 %), alors que Marianne (-12 %) plonge dans les fonds marins, ce qui lui permettra peut-être de mettre le produit de ses fouilles dans ses caisses – autre blagounette à quatre euros…
Au fait, il paraît qu’il y aurait un coupable à ce marasme : la fachosphère. C’est en tout cas ce que prétendent deux éminents journalistes, Dominique Albertini (Libération, -21,5 % toujours) et David Doucet (Les Inrockuptibles, chiffres non communiqués, par décence, on imagine), interrogés par Valeurs actuelles (+5 %) : « De notre point de vue, Internet est même par définition le terrain de la fachosphère. Elle s’inscrit dans un phénomène d’une importance considérable : la “dérégulation” du marché de l’information. Avec Internet, de faibles moyens peuvent suffire à toucher une audience considérable. C’est une concurrence inattendue pour les grands médias, qui intervient alors que la défiance à leur égard progresse dans l’opinion. L’extrême droite et les marges politiques en général l’ont rapidement compris : précisément parce qu’elles avaient peu accès aux grands médias, elles se sont emparées de ce nouveau canal. Que le FN ait été en 1996 le premier parti à se doter d’un site Internet ne doit rien au hasard. » Bien vu, Ray Charles !
Journalistes interchangeables, même robinet d’eau tiède de pensée unique, réactions convenues d’éditorialistes consanguins, prosternation devant « cercle de la raison » et « bonne gouvernance », « mondialisation heureuse », « axe du bien » contre « axe du mal » et autres coquecigrues : il y a toujours un moment où il devient financièrement risqué de prendre le lecteur pour un con.