Par Franck Deletraz
Les experts de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE) et de l’institut Randstad, qui ont rendu publique mercredi une étude soulignant la montée en puissance du fait religieux et du prosélytisme dans les entreprises en France, ont beau multiplier les circonvolutions, chacun aura compris, en lisant leur rapport, d’où vient la menace. Mais, attention : il ne faut surtout pas « stigmatiser »…
70 % des entreprises concernées
Menée par questionnaire en ligne entre le 1er et le 26 février auprès notamment de cadres des ressources humaines, d’autres managers et de salariés dans les services et l’industrie, cette étude, après analyse de 1 333 questionnaires, souligne d’abord que ce sujet est « tout sauf marginal » puisque 70 % des entreprises sont confrontées à la question et 44 % des personnes y sont confrontées de manière régulière ou occasionnelle au travail.
On aura bien deviné d’où vient le problème, mais les choses se précisent lorsque nos experts citent les litiges les plus souvent rencontrés : demandes d’absence pour fêtes religieuses (16 %) et d’aménagement du temps de travail (13 %), prière sur les lieux de travail (13 %), port de signes religieux ostentatoires (10 %), demande de ne travailler qu’avec des coreligionnaires (près de 8 %), refus de travailler avec une femme (près de 8 %), refus d’exécuter certaines tâches comme « par exemple de transporter de l’alcool ou de la charcuterie » (5 %), refus de travailler avec un collègue pour motif religieux (5 %), demande de menus confessionnels à la cantine, de mise à disposition de lieux de prières…
Accusations de discrimination
Si, selon cette étude, dans les trois quarts des cas (74 %), les événements n’ont pas d’impact nécessitant une intervention de la direction, 22,2 % des personnes interrogées constatent toutefois une augmentation des cas nécessitant une implication de l’encadrement, et les managers sont quand même nombreux (73,5 %) à souligner que lorsque la religion intervient, la situation est rendue plus délicate. Ils citent notamment la « menace de porter des accusations de discrimination religieuse si une décision défavorable à une personne ou à un groupe est prise » (40 %) comme première cause de complexité.
Un « argument » systématiquement repris par des gens qui ont bien compris comment fonctionnait notre pays, mais qui s’avère être infondé puisque, souligne encore l’enquête, « le fait religieux ne suscite pas, ou rarement, d’hostilité, lorsqu’il correspond à une pratique personnelle (…) et qu’il n’interfère pas avec la réalisation du travail ». Ce que souhaitent les personnes interrogées, rappelle ainsi l’OFRE et Randstad, c’est la fermeté de l’entreprise « face à des faits et comportements qui tenteraient d’imposer la prise en compte de la pratique religieuse de certains, dans l’organisation du travail comme dans les rapports interpersonnels ».
• L’enquête complète à l’adresse http://www.franceinter.fr/sites/default/files/2014/05/14/899884/fichiers/livret-ofre-2014-lr.pdf