Par Alain Sanders
Pourquoi Hélie de Saint Marc cette semaine ? D’abord parce que l’on doit penser tous les jours – et singulièrement nous autres qui sommes en première ligne – à ce qu’il disait : « La vie est un combat. Le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent. »
Ensuite parce qu’il y a, comme on le dit dans les médias, une « actualité » le concernant. Une remarquable bande dessinée sur sa vie, sobrement intitulée : Hélie de Saint Marc. Une BD que l’on doit à Jean-François Vivier (pour le scénario) et à Pierre-Emmanuel Dequest (pour les dessins).
Raconter une vie d’homme – et quelle vie et quel homme en l’occurrence – en bande dessinée tient souvent de la gageure. Sauf quand ce travail est servi, comme c’est le cas présent, par des auteurs portés par l’admiration et le respect dans un récit « d’engagement et de fidélité », comme ils le disent.
Un récit qui va du camp de concentration de Largenstein (jeune résistant, il avait été arrêté par la Gestapo et déporté) aux dernières heures de sa vie, en passant par Saint-Cyr, la Légion, l’Indochine, l’Algérie, le putsch, la prison pour crime d’Algérie française. Sans jamais oublier la dimension chrétienne de Saint Marc : elle aura accompagné tous ses engagements (1).
Mais, en plus de la terrible « expérience » du camp nazi, on ne comprendrait rien à Saint Marc sans prendre en compte – ce que font parfaitement les deux auteurs de la BD – ce qu’il a vécu en Indo.
L’Indo, à partir de 1948, c’est la RC 4 (« la route du sang »), Cao Bang, le commandement de partisans Thos à la frontière chinoise et ce dénouement qu’il n’oubliera jamais : les populations anticommunistes abandonnées aux Viets. Il dira : « Je leur avais promis protection. Mon pays et mes chefs avaient fait de moi un parjure. »
Quand il arrive en Algérie avec le 1er BEP, il sait qu’il ne laissera pas se commettre une seconde fois une même ignominie. Des harkis, il dira : « Des hommes qui crurent que notre pays tiendrait parole. Les causes de leur engagement étaient divers. Ce pouvait être aussi bien la haine du FLN qui avait massacré les familles, qu’une vraie certitude que la France allait construire une Algérie nouvelle. »
Quand il s’inquiète : « J’ai parfois l’impression de revivre l’Indochine », on lui répond : « Sauf qu’ici, nous ferons le boulot jusqu’au bout ». Il veut y croire, mais : « Je l’espère pour tous ceux qui nous auront cru. »
Il comprend vite : « Si le gouvernement négocie avec les assassins du FLN, à quoi servent nos morts ? Pourquoi engager des musulmans à nos côtés ? »
Arrêté par la Gestapo gaulliste, il entend le juge d’instruction lui demander : « Vous avez déjà été condamné ? » Il répond : « Oui, par les nazis… » On lui propose un « arrangement » : « Si vous acceptiez de faire contrition (sic) de votre participation au putsch, la Cour pourrait se monter conciliante. » Il est écœuré : « Vous me demandez de me parjurer ? C’est hors de question ! » Les juges du haut tribunal militaire, choisis par l’ignoble Messmer, demanderont vingt ans contre lui. Il ne sera condamné qu’à dix ans de détention.
J’ai eu l’occasion de le rencontrer souvent quand il commença d’écrire ses livres qui sont autant de leçons de vie. Il ne se passe guère de jours sans que je pense à lui.
(1) Pendant la Résistance, il choisira un jour un mot de passe significatif : « La parole est à l’Evangile. »
Editions Artège, 10 rue Mercœur, 75 011 Paris.